Cour d’appel administrative de Nancy, le 17 juillet 2025, n°24NC00916

La Cour administrative d’appel de Nancy a rendu, le 17 juillet 2025, un arrêt relatif au droit au séjour des citoyens de l’Union européenne. L’affaire concerne deux époux entrés irrégulièrement en France en 2017 dont l’un possède la nationalité de deux États membres de l’organisation européenne. L’autorité préfectorale a opposé un refus de titre de séjour assorti d’une obligation de quitter le territoire français par deux arrêtés du 23 juin 2023.

Le tribunal administratif de Besançon a rejeté les demandes d’annulation portées par les requérants par un jugement rendu le 12 janvier 2024. Les intéressés ont interjeté appel en soutenant que l’épouse exerce une activité de commerçante lui ouvrant un droit au séjour sur le fondement du code national. Le conjoint invoque un droit dérivé tandis que le couple souligne l’atteinte disproportionnée à leur vie familiale et à l’intérêt supérieur de leurs quatre enfants. La question posée aux juges consiste à déterminer si une activité professionnelle très modique permet de fonder un droit au séjour pour un citoyen européen.

La juridiction administrative rejette la requête en considérant que la faiblesse des revenus déclarés ne permet pas de caractériser une participation réelle à la vie économique. Cette solution repose sur une définition stricte de la qualité de travailleur avant d’évaluer la situation familiale des requérants au regard des engagements internationaux de la France.

I. La caractérisation restrictive de l’activité professionnelle du citoyen de l’Union

A. L’exigence d’une activité réelle et effective conforme au droit européen

L’article L. 233-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers subordonne le séjour des citoyens européens à l’exercice d’une activité professionnelle effective. La Cour administrative d’appel rappelle que cette notion doit être interprétée selon les critères dégagés par la jurisprudence constante de la Cour de justice de l’Union européenne. La relation de travail suppose que l’intéressé accomplisse des prestations en faveur d’autrui, sous sa direction, en contrepartie desquelles il perçoit une rémunération précise. Cette interprétation autonome du droit de l’Union s’impose aux juridictions nationales pour garantir une application uniforme de la liberté de circulation des travailleurs européens.

B. La requalification d’une activité modique en occupation purement marginale

Les juges excluent les « activités tellement réduites qu’elles se présentent comme purement marginales et accessoires » pour refuser la reconnaissance de la qualité de travailleur. La requérante se prévalait d’une activité de commerce ambulant dont le chiffre d’affaires demeurait extrêmement faible malgré plusieurs années d’immatriculation au registre du commerce. La modicité des ressources et le recours parallèle au revenu de solidarité active démontrent que l’intéressée constitue une charge pour le système d’assistance sociale. Le droit au séjour ne peut ainsi être reconnu dès lors que l’activité ne présente pas un caractère réel suffisant au sens des dispositions législatives.

II. Une protection encadrée de la vie familiale face aux mesures d’éloignement

A. La primauté de l’absence d’intégration sociale sur la durée du séjour

Le respect de la vie privée et familiale constitue une garantie fondamentale dont la méconnaissance est ici écartée par la Cour malgré six années de résidence. Bien que quatre enfants soient nés en France, les requérants ne justifient d’aucune intégration sociale ou professionnelle probante permettant de faire obstacle à l’exécution de l’éloignement. La juridiction souligne que la scolarisation récente des mineurs ne suffit pas à caractériser une atteinte disproportionnée aux stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits. L’absence de stabilité économique des parents renforce la légitimité de la décision préfectorale de refus de séjour au regard des impératifs de l’ordre public.

B. La préservation de l’unité familiale malgré l’obligation de quitter le territoire

L’intérêt supérieur des enfants doit faire l’objet d’une attention primordiale dans toute décision administrative conformément aux stipulations de la convention internationale des droits de l’enfant. Les juges relèvent cependant que l’obligation de quitter le territoire n’a ni pour objet ni pour effet de séparer les parents de leur progéniture. La possibilité de poursuivre la scolarité et la vie familiale dans le pays d’origine de l’un ou l’autre des parents demeure une alternative viable. La nationalité européenne de la mère permet en effet d’envisager une installation familiale dans un autre État membre sans rompre la cellule éducative nécessaire.

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Hassan KOHEN
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