Cour d’appel administrative de Nancy, le 17 juin 2025, n°24NC02858

La cour administrative d’appel de Nancy a rendu, le 17 juin 2025, une décision précisant le régime juridique de la rupture des conditions matérielles d’accueil. Cette affaire concerne une ressortissante étrangère ayant accepté une proposition d’hébergement spécifique sans toutefois rejoindre le centre assigné dans les délais requis. L’administration a alors notifié la cessation de ses aides, acte contesté devant le juge de première instance qui a maintenu la mesure administrative attaquée. La juridiction d’appel devait donc déterminer si une telle absence constitue un refus des conditions d’accueil ou une cessation pour manquement aux obligations comportementales. Le juge écarte l’analyse du tribunal mais rejette la requête en validant la fin des prestations sur le fondement d’une méconnaissance des consignes données. Il convient d’analyser la clarification apportée aux bases légales de retrait (I) puis d’apprécier la rigueur de l’examen de la situation individuelle du demandeur (II).

I. La requalification juridique de la rupture des conditions matérielles d’accueil

A. L’exclusion du régime du refus initial des prestations

La cour précise que l’acceptation préalable des prestations par le demandeur interdit l’usage ultérieur du régime simplifié du refus des aides sociales. Elle juge que « la non-présentation de l’intéressée dans ce lieu d’hébergement dans le délai imparti ne peut être regardé comme un motif de refus ». Cette solution repose sur le fait que le bénéficiaire avait formellement consenti à l’ensemble des modalités matérielles proposées par l’autorité administrative compétente. Le tribunal administratif de Strasbourg avait commis une erreur en substituant les dispositions relatives au refus à celles initialement visées par l’office.

B. L’affirmation du cadre légal de la cessation pour manquement

Le comportement du demandeur d’asile qui désobéit aux directives d’orientation géographique relève exclusivement des dispositions organisant la cessation du bénéfice des droits. Ce régime, prévu par le code de l’entrée et du séjour des étrangers, impose des garanties procédurales supérieures à celles du simple refus. L’administration doit notamment respecter une procédure contradictoire avant de priver un administré de ses moyens de subsistance essentiels durant l’instruction de sa demande. Le juge d’appel rétablit la base légale initiale afin de vérifier si les conditions de fond justifiaient réellement la perte définitive des aides financières.

II. La validité de la sanction administrative au regard du comportement du demandeur

A. Le non-respect caractérisé des exigences de l’autorité d’accueil

Les magistrats confirment que l’organisme gestionnaire des prestations d’accueil « doit être regardé comme une autorité chargée de l’asile » au sens du code. Le défaut de présentation dans les délais impartis constitue donc un manquement aux exigences légales susceptibles d’entraîner l’arrêt des conditions matérielles d’accueil. L’intéressée ne pouvait ignorer ses obligations dès lors qu’un plan d’accès et des explications claires lui avaient été fournis lors de l’enregistrement initial. La cour considère que la défaillance de la requérante n’était pas justifiée par des circonstances insurmontables malgré les arguments médicaux produits à l’instance.

B. Un contrôle de proportionnalité excluant la vulnérabilité invoquée

La décision de cessation demeure légale car elle résulte d’un examen préalable de la situation particulière sans qu’aucune vulnérabilité spécifique ne soit démontrée. Le juge souligne que l’intéressée était capable de se déplacer puisqu’elle s’était rendue dans une autre structure le jour même de l’échéance. Les certificats médicaux ne prouvaient pas une impossibilité absolue de rejoindre le centre ou une fragilité nécessitant une protection dérogatoire immédiate. L’absence de signalement auprès de l’administration avant la date butoir confirme la négligence fautive et justifie la proportionnalité de la mesure prononcée.

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Hassan KOHEN
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