La Cour administrative d’appel de Nancy a rendu, le 19 décembre 2024, une décision relative aux garanties procédurales entourant le retrait d’un titre de séjour. Ce contentieux porte sur la régularité du contradictoire préalable à une mesure administrative défavorable remettant en cause une décision individuelle créatrice de droits.
Un ressortissant étranger, entré sur le territoire national en 2018, a obtenu une carte de séjour temporaire délivrée par une autorité préfectorale en 2020. En janvier 2022, l’administration a prononcé le retrait de ce titre de séjour, l’a obligé à quitter le territoire et a fixé le pays de destination.
Saisi d’une demande d’annulation, le tribunal administratif de Nancy a rejeté la requête de l’intéressé par un jugement en date du 16 juin 2022. Le requérant a interjeté appel de cette décision en invoquant notamment la méconnaissance de son droit d’être entendu lors de la phase administrative préalable.
Les juges d’appel devaient déterminer si l’absence de réponse à une demande d’audition orale formulée par le bénéficiaire d’un titre de séjour entache le retrait d’irrégularité. La juridiction d’appel annule l’arrêté au motif que l’administration n’a pas permis l’expression orale des observations malgré une sollicitation expresse du conseil de l’intéressé.
L’étude de cette solution conduit à analyser la consécration du droit à une audition orale puis à examiner la sanction de la méconnaissance de cette garantie.
I. L’affirmation du caractère contraignant de la procédure contradictoire orale
A. Le retrait du titre de séjour comme décision administrative motivée
L’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration dispose que « doivent être motivées les décisions qui : (…) ; 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ». Dès lors, cette exigence textuelle fonde l’obligation pour l’autorité administrative de mettre en œuvre une procédure contradictoire préalable avant de rapporter une mesure favorable. La décision de retrait d’un titre de séjour s’inscrit précisément dans cette catégorie de mesures individuelles dont la légalité dépend d’une motivation formelle et circonstanciée.
B. L’obligation de faire droit à une demande d’audition non abusive
L’intéressé dispose du droit de présenter des observations écrites et « sur sa demande, des observations orales » en application de l’article L. 122-1 du code précité. L’administration ne peut écarter une telle sollicitation que dans l’hypothèse où la demande revêtirait un caractère abusif par son nombre ou sa nature répétitive. En l’espèce, le requérant avait expressément sollicité une audition orale après avoir été informé de l’intention de l’autorité préfectorale de procéder au retrait de son titre. Le silence de l’administration face à cette demande constitue un manquement aux dispositions législatives régissant les relations entre le public et les autorités administratives.
II. La sanction de l’irrégularité par l’annulation de la mesure de retrait
A. La qualification du vice de procédure en privation d’une garantie
Le respect du caractère contradictoire constitue une garantie fondamentale permettant à l’administré de discuter utilement les motifs de la décision que l’autorité envisage de prendre. La Cour administrative d’appel de Nancy souligne que le silence gardé par l’administration sur cette demande d’audition constitue une irrégularité privant l’intéressé d’une garantie réelle. Le requérant « est fondé à soutenir que la procédure contradictoire n’a pas été respectée et qu’il a ainsi été privé d’une garantie » selon les juges.
B. L’effet rétrospectif de l’annulation sur la situation du ressortissant étranger
L’annulation du retrait entraîne par voie de conséquence la disparition juridique des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination. Par conséquent, cette sanction possède un effet restaurateur immédiat puisque la décision de retrait annulée est réputée n’être jamais intervenue dans l’ordonnancement juridique. Le titre de séjour initial se trouve ainsi rétabli pour sa durée de validité restant à courir à compter de la date de notification de la décision.