La Cour administrative d’appel de Nancy, par une décision du 19 décembre 2024, se prononce sur la légalité d’une obligation de quitter le territoire français. Une ressortissante étrangère et sa fille contestent un arrêté préfectoral portant refus de séjour et éloignement assorti d’une interdiction de retour.
Après une entrée sur le territoire national en janvier 2018, les intéressées ont vu leurs demandes d’asile définitivement rejetées par les juridictions spécialisées en 2021. L’autorité préfectorale a ensuite édicté une mesure d’éloignement, fixant le pays de destination et prononçant une interdiction de retour d’une durée d’un an.
Le tribunal administratif de Nancy a rejeté la requête en annulation le 10 octobre 2022, conduisant les requérantes à interjeter appel devant la juridiction administrative supérieure. Celles-ci soutiennent notamment l’incompétence du signataire de l’acte, une insuffisance de motivation ainsi que la méconnaissance des droits procéduraux et des libertés fondamentales.
Le juge administratif doit déterminer si les garanties procédurales issues du droit européen s’appliquent en présence de dispositions législatives nationales spécifiques encadrant l’éloignement des étrangers. La juridiction écarte les moyens soulevés en confirmant que l’examen de la situation personnelle et la procédure d’asile satisfont aux exigences du droit à être entendu.
I. L’aménagement des garanties procédurales face au régime spécial de l’éloignement
A. L’éviction de la procédure contradictoire de droit commun
Le juge précise que « le législateur a entendu déterminer l’ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse » applicables aux décisions portant obligation de quitter le territoire français. Les dispositions générales relatives à la procédure contradictoire préalable du code des relations entre le public et l’administration se trouvent ainsi écartées.
L’existence d’un régime juridique autonome au sein du code de l’entrée et du séjour des étrangers interdit l’invocation utile des principes administratifs généraux. Cette spécialité législative garantit une célérité nécessaire au traitement des mesures d’éloignement tout en préservant un cadre juridique strictement défini par le droit positif.
B. La satisfaction du droit à être entendu par la procédure d’asile
Le droit d’être entendu constitue un principe général du droit de l’Union européenne permettant à toute personne de faire connaître utilement son point de vue. La décision relève toutefois que ce droit ne saurait imposer une audition systématique si l’intéressé a déjà pu présenter ses observations de manière effective.
L’arrêt souligne que le demandeur « est conduit, à l’occasion du dépôt de sa demande d’asile, à préciser à l’administration les motifs pour lesquels il demande la protection ». L’examen global de la situation personnelle effectué par l’autorité administrative avant l’édiction de la mesure suffit à garantir le respect des droits.
II. Le contrôle restreint de l’atteinte aux droits fondamentaux des requérants
A. La rigueur de l’appréciation du droit au respect de la vie privée et familiale
L’invocation de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme suppose une atteinte disproportionnée aux liens personnels et familiaux de l’étranger. La Cour note que « la durée de présence en France de plus de quatre ans ne s’explique que par la durée de l’examen de l’asile ».
Le maintien des attaches familiales, incluant la scolarisation de petits-enfants, ne fait pas obstacle à l’éloignement lorsque la situation administrative des proches demeure elle-même précaire. L’absence de liens d’une intensité particulière sur le territoire français permet de valider la proportionnalité de la mesure prise par l’administration.
B. L’exigence probante du risque réel de traitements inhumains et dégradants
La protection contre les mauvais traitements garantit qu’aucun individu ne soit renvoyé vers un pays où il subirait des tortures ou des peines inhumaines prohibées. Les requérantes invoquent des risques graves en cas de retour mais ne produisent que des pièces relatives à des violences subies par une tierce personne.
L’insuffisance manifeste des éléments de preuve ne permet pas d’établir la réalité des risques personnels et actuels encourus au sens des stipulations conventionnelles précitées. La solution confirme la nécessité d’une démonstration concrète des menaces pour obtenir l’annulation de la décision fixant le pays de renvoi.