La Cour administrative d’appel de Nancy a rendu le 19 décembre 2024 une décision relative à la légalité de l’éloignement d’un ressortissant de l’Union européenne. Ce litige soulève la délicate question de l’équilibre entre la préservation de l’ordre public et le droit au séjour des citoyens européens sur le territoire national.
Un ressortissant roumain, présent en France depuis 2019, a été interpellé en mai 2023 pour une tentative de vol de métaux au sein d’une entreprise. Le préfet de Meurthe-et-Moselle a alors pris à son encontre une obligation de quitter le territoire français assortie d’une interdiction de circulation de vingt mois. L’intéressé avait pourtant reconnu la matérialité des faits mais n’avait fait l’objet que d’un simple avertissement pénal probatoire par le procureur de la République. Le tribunal administratif de Nancy a annulé cet arrêté préfectoral le 21 septembre 2023 en raison d’une erreur manifeste d’appréciation de l’administration. La préfète de Meurthe-et-Moselle a ensuite interjeté appel de ce jugement devant la juridiction supérieure pour solliciter le rétablissement de la mesure d’éloignement.
La juridiction devait déterminer si des faits de vols de faible importance, commis sans violence, caractérisent une menace suffisante pour justifier l’expulsion d’un citoyen européen.
Les juges de Nancy ont rejeté la requête administrative en estimant que la présence de l’intéressé ne présentait pas un danger réel pour la société française. La cour administrative d’appel de Nancy confirme ainsi l’annulation de l’arrêté en soulignant le caractère disproportionné de la décision préfectorale au regard des faits reprochés.
I. L’encadrement strict de l’éloignement des citoyens européens
Le droit au séjour des ressortissants européens bénéficie d’une protection renforcée contre les mesures d’éloignement arbitraires fondées sur la seule commission d’une infraction pénale. La juridiction rappelle que l’administration doit « examiner, d’après l’ensemble des circonstances de l’affaire, si la présence de l’intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace ». Cette menace doit présenter un caractère réel, actuel et une gravité suffisante pour porter atteinte à un « intérêt fondamental de la société » nationale.
L’autorité administrative a l’obligation légale de procéder à une analyse globale et individualisée de la situation du ressortissant étranger avant toute décision. La cour précise que les critères d’appréciation incluent « la durée du séjour des intéressés en France, leur âge, leur état de santé, leur situation familiale et économique ». Cette approche personnalisée empêche une application automatique des sanctions administratives à la suite d’une garde à vue ou d’une reconnaissance de culpabilité pénale.
II. L’absence de trouble caractérisé à l’intérêt fondamental de la société
La nature des infractions commises par l’intéressé ne présentait pas le degré de dangerosité requis pour justifier une mesure d’éloignement aussi rigoureuse que l’expulsion. Les faits portaient sur des vols de ferraille, de batteries et de disques de freins, actes qualifiés de tentatives ou de soustractions sans aucune effraction constatée. La cour estime que « sa présence sur le territoire français ne peut être regardée, eu égard à la nature des faits commis, comme constituant une menace suffisamment grave ».
L’insertion sociale du ressortissant et l’absence de condamnations pénales antérieures ont pesé favorablement dans l’appréciation portée par les juges de la cour d’appel. L’intéressé occupait un emploi intérimaire en qualité d’agent d’entretien et bénéficiait d’un hébergement stable au sein de son entourage familial résidant en France. L’administration ne pouvait donc légalement se fonder sur un trouble à l’ordre public pour ordonner son départ immédiat ainsi qu’une interdiction de circulation. La décision préfectorale est par conséquent entachée d’une erreur d’appréciation que la cour sanctionne par le rejet définitif de l’appel formé par l’État.