La Cour administrative d’appel de Nancy a rendu le 19 décembre 2024 une décision portant sur la légalité d’une obligation de quitter le territoire français. Une ressortissante étrangère, présente en France depuis octobre 2022, projetait d’épouser un ressortissant français au moment de son interpellation par les services de police. L’autorité préfectorale a édicté une mesure d’éloignement le 13 septembre 2023 à la suite d’une enquête portant sur la sincérité de l’union matrimoniale. Le tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande d’annulation de cet acte par un jugement rendu en date du 27 octobre 2023. La requérante soutient que l’administration a ignoré sa situation personnelle et méconnu ses droits fondamentaux garantis par la convention européenne de sauvegarde. Le litige porte sur l’incidence d’un projet de mariage et de risques familiaux allégués sur la validité juridique d’une mesure d’éloignement. La juridiction d’appel confirme le rejet de la requête en se fondant sur la chronologie des faits et l’absence de preuves matérielles. Elle valide ainsi l’appréciation administrative de la situation personnelle (I) avant de confirmer une interprétation restrictive des protections conventionnelles (II).
I. La validation de l’appréciation administrative de la situation personnelle
A. La primauté de la chronologie sur le grief d’examen incomplet
La requérante reprochait à l’autorité préfectorale un défaut d’examen sérieux de sa situation au regard de son futur mariage avec un ressortissant national. Le juge relève pourtant que « la décision du procureur de la République, datée du 14 septembre 2023, est postérieure à l’arrêté en litige ». L’administration ne pouvait donc pas intégrer juridiquement un événement non encore advenu au moment de la signature de l’acte administratif contesté. Cette position classique rappelle que la légalité d’une décision administrative s’apprécie impérativement à la date de son édiction par l’autorité. Le magistrat refuse d’imputer un manque de diligence à l’autorité publique pour n’avoir pas anticipé une validation judiciaire intervenue seulement le lendemain. La solution souligne la rigueur nécessaire dans l’établissement de la preuve d’une erreur d’appréciation commise par les services de l’État.
B. L’absence de détournement de pouvoir lié à la procédure matrimoniale
L’arrêt écarte également l’argument selon lequel la mesure d’éloignement constituerait une manœuvre visant à s’opposer illégalement à l’union civile des intéressés. La Cour juge que la décision de quitter le territoire « n’est pas, à elle seule, de nature à révéler l’intention » de l’administration. Le détournement de pouvoir suppose une preuve intentionnelle que la simple concomitance de deux procédures administratives et judiciaires ne suffit pas à caractériser. Cette analyse protège l’autonomie de la police des étrangers par rapport aux compétences du juge judiciaire en matière d’état des personnes. Le juge administratif maintient ainsi une séparation stricte entre la régularité du séjour et l’exercice de la liberté matrimoniale sur le territoire. Cette approche pragmatique se double d’une interprétation restrictive des protections conventionnelles invoquées par la requérante.
II. L’interprétation restrictive des protections conventionnelles
A. Une conciliation rigoureuse entre droit au séjour et vie privée
La juridiction examine ensuite la proportionnalité de l’ingérence dans la vie privée et familiale garantie par l’article 8 de la convention européenne. Elle souligne que l’intéressée résidait en France depuis moins d’un an et que sa relation sentimentale était jugée encore très récente. Les juges notent que la requérante « n’est pas dépourvue d’attaches dans son pays d’origine où résident notamment ses parents » à la date de l’acte. L’éloignement ne porte donc pas une atteinte disproportionnée aux buts de sécurité publique et de contrôle nécessaire des flux migratoires en France. Cette décision illustre la sévérité du contrôle de proportionnalité lorsque l’implantation sur le territoire national demeure précaire et dépourvue d’ancienneté suffisante. Le droit au respect de la vie familiale ne saurait ici primer sur l’obligation de respecter les règles relatives à l’entrée.
B. L’exigence de preuves tangibles face aux risques de traitements inhumains
Enfin, la Cour écarte le moyen tiré de l’article 3 de la convention européenne relatif aux risques réels de mauvais traitements allégués. La requérante invoquait des menaces paternelles liées à son projet matrimonial, mais le juge considère ces allégations comme étant insuffisamment étayées au dossier. L’arrêt précise que l’intéressée « n’établit pas par les éléments versés à l’instance le caractère réel et actuel des risques allégués » en Tunisie. La charge de la preuve pèse lourdement sur l’étranger qui doit démontrer une menace personnalisée et directe en cas de retour forcé. Le magistrat administratif refuse de se fonder sur de simples craintes familiales pour faire obstacle à l’exécution d’une mesure de police. La solution confirme ainsi la primauté de l’ordre public sur des craintes privées dont la réalité matérielle demeure juridiquement incertaine.