Cour d’appel administrative de Nancy, le 19 décembre 2024, n°24NC00313

La cour administrative d’appel de Nancy a rendu, le 19 décembre 2024, un arrêt relatif au refus de délivrance d’un titre de séjour. Ce litige porte sur l’obligation pour l’administration d’examiner avec exactitude les fondements juridiques invoqués par le demandeur lors de sa sollicitation. Un ressortissant de nationalité tunisienne est entré régulièrement en France en janvier 2019 sous couvert d’un visa de court séjour. Il a sollicité, en février 2022, l’octroi d’une carte de séjour portant la mention « compétences et talents » sur le fondement du protocole franco-tunisien. Le préfet a toutefois opposé un refus à cette demande en octobre 2023, assorti d’une obligation de quitter le territoire français.

Saisi d’une demande d’annulation de cet acte, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la requête par un jugement du 30 janvier 2024. L’intéressé a donc interjeté appel en soutenant que l’autorité administrative n’avait pas procédé à un examen attentif de sa situation personnelle. Le juge d’appel devait alors déterminer si l’omission de l’examen d’un fondement juridique spécifique par le préfet entachait la décision d’illégalité.

La juridiction administrative répond par l’affirmative en constatant que l’autorité préfectorale s’est abstenue d’étudier la demande au regard des stipulations conventionnelles. Elle prononce l’annulation du jugement et de l’arrêté attaqué tout en ordonnant le réexamen de la situation administrative de l’appelant. L’analyse s’articulera autour de l’obligation d’un examen complet de la demande puis de l’articulation des normes conventionnelles dans le contrôle de légalité.

I. L’obligation d’un examen complet de la demande de titre de séjour

A. La méconnaissance de l’objet de la demande initiale L’administration doit impérativement se prononcer sur les motifs de droit et de fait qui lui sont soumis par l’administré lors de sa demande. Le requérant avait « expressément sollicité un titre de séjour  » compétences et talents  » sur le fondement des stipulations » de l’accord de 2008. Le préfet a pourtant ignoré ce fondement pour se borner à une analyse sur des bases juridiques non revendiquées par le ressortissant. Cette substitution opérée d’office par l’autorité administrative sans traiter la demande initiale constitue une erreur de droit manifeste.

B. La sanction du défaut d’examen attentif de la situation Le juge administratif rappelle fermement que l’absence d’analyse du fondement invoqué vicie la décision dès lors qu’elle empêche un examen exhaustif. Il « ressort des motifs de l’arrêté en litige que le préfet n’a pas étudié la demande » sur la base légale initialement sollicitée. Cette carence administrative prive l’étranger de la garantie d’une évaluation sérieuse de ses mérites au regard de ses contributions économiques. L’annulation est la conséquence inéluctable d’une instruction jugée insuffisante au regard des principes généraux du droit administratif. Cette exigence de complétude procédurale invite à s’interroger sur la hiérarchie des normes et sur l’exécution concrète de la décision de justice.

II. L’articulation des normes conventionnelles et le contrôle de légalité

A. La primauté des stipulations spécifiques de l’accord bilatéral Le protocole du 28 avril 2008 prévoit des dispositions particulières permettant la délivrance d’un titre de séjour pour des talents spécifiques. Ces règles conventionnelles s’imposent à l’administration lorsqu’elles sont invoquées par un ressortissant étranger souhaitant justifier de ses compétences particulières. Le juge veille ainsi à ce que les « dispositions du présent Accord » ne soient pas éludées au profit du droit interne. Cette rigueur dans l’application des traités garantit une sécurité juridique indispensable pour les administrés résidant sous un statut dérogatoire.

B. Les effets de l’annulation et l’injonction de réexamen L’annulation du refus de titre de séjour entraîne mécaniquement la disparition de l’obligation de quitter le territoire et de la destination. Cependant, le juge précise que son « arrêt n’implique pas nécessairement que le préfet » délivre le titre de séjour à l’intéressé. L’autorité administrative conserve son pouvoir d’appréciation mais doit désormais procéder à un « réexamen de sa situation » dans un délai bref. Cette mesure d’injonction assure l’effectivité de la justice tout en respectant la séparation des pouvoirs entre les ordres juridictionnel et administratif.

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Hassan KOHEN
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