Cour d’appel administrative de Nancy, le 19 juin 2025, n°24NC00147

La Cour administrative d’appel de Nancy, par un arrêt rendu le 19 juin 2025, rejette les requêtes d’un couple de ressortissants étrangers contre des refus de séjour.

Arrivés en France en 2015 et 2016, les requérants ont sollicité l’asile, lequel fut définitivement rejeté en 2019 par la Cour nationale du droit d’asile.

Ils ont demandé en 2022 une admission exceptionnelle au séjour en mettant en avant la naissance de leurs enfants et la durée de leur présence.

Le préfet du Haut-Rhin a refusé ces demandes le 20 janvier 2023, assortissant ses décisions d’obligations de quitter le territoire français avec délai de départ.

Les intéressés ont saisi le tribunal administratif de Strasbourg d’un recours en annulation contre ces arrêtés préfectoraux en invoquant notamment leur droit à la vie privée.

Par un jugement du 28 septembre 2023, les premiers juges ont rejeté leurs demandes, estimant que les mesures n’étaient pas entachées d’illégalité ou d’erreur d’appréciation.

Devant la juridiction d’appel, les requérants soutiennent que les refus de titre de séjour sont insuffisamment motivés et méconnaissent l’intérêt supérieur de leurs jeunes enfants.

Ils invoquent également l’illégalité des décisions fixant le pays de destination en raison de menaces de mort pesant sur eux dans leur État d’origine.

Les juges doivent trancher la question de savoir si la scolarisation d’enfants nés en France fait obstacle à l’éloignement forcé d’une famille déboutée du droit d’asile.

La Cour administrative d’appel de Nancy confirme la solution de première instance en considérant que la cellule familiale peut se reconstituer sans difficulté au pays d’origine.

Il convient d’analyser l’appréciation stricte de l’insertion et des attaches familiales (I) avant d’étudier la légalité des mesures d’éloignement et de destination (II).

I. L’appréciation stricte de l’insertion et des attaches familiales

A. Une présence sur le territoire liée aux procédures de demande d’asile

Le juge administratif examine si le refus de délivrer un titre de séjour porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée.

La Cour administrative d’appel de Nancy souligne que la durée de présence invoquée par les requérants résulte principalement des délais nécessaires à l’instruction des demandes.

Les magistrats précisent que « cette durée correspond essentiellement à l’examen de leurs demandes d’asile et de leurs demandes de réexamen » pendant une période juridique précaire.

Les intéressés ont par ailleurs déjà fait l’objet de mesures d’éloignement antérieures auxquelles ils n’ont pas volontairement déféré malgré les obligations pesant sur eux.

L’administration considère ainsi que les attaches conservées dans le pays d’origine demeurent prépondérantes par rapport aux liens créés sur le sol français depuis leur arrivée.

B. La préservation de la cellule familiale par le retour groupé

L’intérêt supérieur des enfants constitue une considération primordiale mais il doit être concilié avec le droit de l’État de réguler les flux migratoires.

La juridiction relève que les décisions contestées « n’ont ni pour objet ni pour effet de séparer les requérants de leurs enfants » lors de l’exécution.

Ces mineurs ont vocation à suivre leurs parents dans leur pays d’origine où la cellule familiale peut se reconstituer sans obstacle majeur pour leur développement.

Les juges ajoutent que « rien ne démontre qu’elle ne pourrait pas la poursuivre au Kosovo » s’agissant de la scolarité entamée par l’un des jeunes enfants.

La solution retenue confirme que l’intégration scolaire ne suffit pas à paralyser une mesure d’éloignement si les deux parents accompagnent les mineurs dans leur retour.

Cette absence d’atteinte disproportionnée au droit à la vie privée sécurise la validité des décisions administratives imposant le départ du territoire français vers l’État d’origine.

II. Le contrôle de la légalité des mesures d’éloignement et de destination

A. L’absence de motifs exceptionnels justifiant une admission au séjour

Les requérants sollicitaient également une admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de motifs humanitaires ou de considérations particulières liées à leur situation personnelle.

La Cour administrative d’appel de Nancy estime toutefois qu’ils ne justifient d’aucune circonstance de nature à ouvrir droit au bénéfice de cette carte de séjour.

Le préfet du Haut-Rhin n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en refusant de régulariser la situation administrative de ce couple malgré leur intégration alléguée.

Les magistrats valident le raisonnement du premier juge qui avait écarté les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du code de l’entrée et du séjour.

L’absence d’illégalité du refus de séjour entraîne mécaniquement le rejet des moyens dirigés par voie de conséquence contre l’obligation de quitter le territoire français.

B. L’exigence de preuves probantes concernant les risques encourus au pays

La fixation du pays de destination est contestée au motif que les intéressés s’exposeraient à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour forcé.

Les requérants font état de menaces violentes émanant d’un tiers condamné pour meurtre mais ces allégations ne sont pas assorties de justificatifs suffisants et actuels.

La cour juge que les pièces produites « ne permettent pas d’établir le caractère réel, direct et actuel du risque pour leur vie ou liberté » invoqué.

Cette décision rappelle la lourde charge de la preuve qui incombe à l’étranger pour renverser la présomption de sécurité attachée au pays d’origine après l’asile.

L’arrêt rendu le 19 juin 2025 s’inscrit dans une jurisprudence constante refusant de substituer l’appréciation du juge à celle des autorités spécialisées dans la protection.

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Hassan KOHEN
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