Cour d’appel administrative de Nancy, le 2 octobre 2025, n°24NC00381

La Cour administrative d’appel de Nancy a rendu le 2 octobre 2025 une décision relative à l’éloignement d’un ressortissant étranger présent de longue date.

Un ressortissant tunisien, résidant en France depuis 1989, a vu son titre de séjour expirer le 22 juin 2023 sans avoir sollicité de renouvellement préalable. Le 5 décembre 2023, l’intéressé fut interpellé pour des faits de violence aggravée commis contre sa propre mère au sein du domicile familial. L’autorité préfectorale a alors prononcé une obligation de quitter le territoire français sans délai ainsi qu’une interdiction de retour de deux ans. Le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté le 15 décembre 2023 la demande d’annulation formée par l’étranger contre cet arrêté administratif contesté. Le requérant soutient devant la juridiction d’appel que sa situation personnelle et son état de santé auraient dû faire obstacle à cette mesure d’éloignement. La Cour doit déterminer si la menace à l’ordre public justifie l’expulsion d’un étranger résidant habituellement en France depuis son enfance. Elle confirme la solution des premiers juges en estimant que les condamnations pénales répétées prévalent sur l’ancienneté de la présence sur le territoire national.

**I. La primauté de l’ordre public sur la protection de la vie privée et familiale**

Le juge administratif valide l’obligation de quitter le territoire français en se fondant sur la menace caractérisée que représentait le comportement violent du requérant.

**A. La caractérisation d’une menace réelle pour la sécurité publique**

La décision souligne que l’intéressé a fait l’objet de douze condamnations pénales entre 1997 et 2021 pour divers délits graves et répétés. Ces infractions incluent des vols, des trafics de stupéfiants ainsi que des violences ayant entraîné une interpellation récente pour des actes commis contre un ascendant. La juridiction relève que « les périodes d’hébergement chez des membres de sa famille se sont soldées par des échecs en raison d’un comportement agressif ». Cette persistance dans la délinquance justifie légalement l’usage par l’administration de ses pouvoirs de police des étrangers pour garantir la sécurité des citoyens. Le comportement violent constitue ici le pivot central de l’appréciation portée par les juges sur la nécessité absolue de la mesure d’éloignement.

**B. Une ingérence proportionnée malgré l’ancienneté du séjour**

Bien que la présence en France depuis 1989 ne soit pas contestée, elle n’offre pas une protection absolue contre une mesure de police administrative. La Cour rappelle que l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme n’autorise pas un droit au choix du domicile. L’arrêt précise que « le requérant n’est pas fondé à soutenir que la décision a porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie ». L’absence de liens familiaux stables, l’inexistence de descendance et le manque d’insertion professionnelle renforcent la légitimité de l’ingérence dans la vie privée. La menace à l’ordre public l’emporte donc sur les attaches développées par l’intéressé durant ses trente-six années de présence sur le sol français.

**II. La rigueur procédurale relative à l’éloignement et à l’interdiction de retour**

La décision apporte des précisions importantes sur les obligations de l’administration face à un étranger souffrant de pathologies psychiques ou contestant l’interdiction de retour.

**A. L’absence d’obligation de saisine du collège de médecins**

Le requérant invoquait son état de santé nécessitant un traitement médicamenteux pour contester la procédure suivie par le préfet lors de son interpellation. Toutefois, la Cour observe que ces troubles n’avaient jamais été portés à la connaissance de l’autorité administrative avant l’édiction de l’arrêté en litige. Le juge affirme ainsi que « le préfet n’était pas tenu de saisir pour avis le collège de médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration ». Cette solution protège l’administration contre des moyens soulevés tardivement alors que l’étranger n’avait jamais sollicité de titre de séjour pour raisons médicales. La légalité de la procédure est donc préservée dès lors que les éléments de fait n’étaient pas disponibles au moment de la décision.

**B. La justification souveraine de la durée de l’interdiction de retour**

L’autorité préfectorale a assorti l’éloignement d’une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée fixée à deux années consécutives par l’arrêté. La Cour estime que cette mesure est suffisamment motivée par l’énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement légal. Elle valide la durée retenue en considérant que l’administration « n’a pas commis d’erreur d’appréciation en l’interdisant le retour » selon les critères législatifs applicables. L’équilibre entre la durée de présence en France et la gravité des troubles causés à la tranquillité publique semble ici respecté par les magistrats. L’arrêt confirme ainsi une application stricte des dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers face à une intégration jugée inexistante.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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