Cour d’appel administrative de Nancy, le 22 avril 2025, n°22NC00982

La Cour administrative d’appel de Nancy a rendu le 22 avril 2025 un arrêt précisant les conditions de reclassement d’un agent après une promotion. Le litige porte sur l’arrêté du 21 juillet 2020 reclassant une conseillère pénitentiaire d’insertion et de probation nommée dans le corps des directeurs. L’intéressée contestait son classement au sixième échelon et sollicitait l’application de dispositions réglementaires plus favorables à sa situation administrative personnelle. Le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l’arrêté de classement ainsi que la décision de rejet du ministre de la justice le 4 mars 2022. Le garde des sceaux a interjeté appel de ce jugement en soutenant que l’administration avait correctement appliqué les règles de reclassement en vigueur. La question posée est de savoir si un fonctionnaire peut invoquer les règles de la catégorie B malgré la transformation de son corps d’origine. La juridiction d’appel confirme la solution des premiers juges en validant le droit de l’agent à bénéficier du calcul de reclassement le plus avantageux.

I. L’admission d’un droit au reclassement dérogatoire fondé sur le parcours professionnel

A. Le bénéfice de l’option pour le régime de la catégorie B

Le décret du 23 décembre 2006 permet aux fonctionnaires de catégorie A de solliciter un classement tenant compte de leur situation passée en catégorie B. Cette faculté est ouverte si le corps d’origine dispose d’un indice brut terminal inférieur ou égal à la valeur de huit cent un. L’intéressée remplissait ces critères puisque son ancien corps de référence disposait historiquement d’un indice terminal égal à sept cent soixante-neuf points. Elle a formulé sa demande de révision dans le délai de six mois imposé par l’article 3 du décret relatif aux corps de catégorie A. L’administration ne pouvait pas ignorer cette demande au motif que l’agent appartenait déjà à la catégorie A lors de sa nomination comme directeur. Le droit d’option constitue une garantie permettant de valoriser les services accomplis dans un corps de niveau inférieur avant l’accession aux fonctions d’encadrement.

B. L’éviction de l’interprétation restrictive du statut de catégorie A

Le ministre soutenait que l’intégration de l’agent dans un corps de catégorie A en 2019 faisait obstacle à l’application de l’article 5. Le juge administratif rejette cette lecture en analysant les conditions réelles d’appartenance aux différents corps et cadres d’emplois de la fonction publique d’Etat. L’indice brut terminal du grade de conseiller était au moins égal à six cent trente-huit points lors de la transition vers la catégorie A. Cette situation spécifique permettait l’usage de la clause de sauvegarde prévue pour les agents ayant gravi les échelons par la voie du concours. La promotion interne ne doit pas léser un fonctionnaire dont le corps d’origine a fait l’objet d’une revalorisation statutaire juste avant son changement. Le reclassement doit s’opérer à l’échelon comportant l’indice le plus proche de celui détenu auparavant augmenté de soixante points d’indice brut total.

II. La protection de la carrière contre les effets d’une réforme statutaire

A. La portée limitée des clauses de reclassement transitoires

Le décret du 30 janvier 2019 a transformé le corps des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation en un corps classé dans la catégorie A. La Cour précise que « ces dispositions transitoires, relatives à la constitution du corps, n’avaient pour seul objet que de permettre aux agents de conserver leur ancienneté ». Cette mesure de gestion ne visait pas « de leur conférer la qualité d’agent de catégorie A depuis leur entrée dans le corps ». Le passage automatique dans la catégorie supérieure n’efface donc pas le passé professionnel accompli sous le régime juridique de la catégorie B. L’assimilation des services passés sert uniquement à l’avancement d’échelon ou de grade au sein du nouveau corps d’accueil de l’administration pénitentiaire. La réalité de la carrière de l’agent prime sur les fictions juridiques créées pour les besoins de la restructuration d’une filière administrative.

B. La confirmation de l’illégalité entachant la décision ministérielle

Le refus de l’administration de procéder au reclassement selon les modalités de l’article 5 du décret de 2006 constitue une erreur de droit manifeste. L’agent pouvait légitimement prétendre à une situation administrative et financière plus favorable lors de sa prise de fonctions en tant que directeur pénitentiaire. Le juge d’appel rejette l’argumentation du garde des sceaux et confirme l’annulation prononcée par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en première instance. L’Etat est condamné à verser une somme de mille cinq cents euros au titre des frais exposés par la partie adverse durant la procédure. Cette décision renforce la sécurité juridique des agents dont les corps d’origine subissent des mutations statutaires importantes au cours de leur vie professionnelle. L’arrêt garantit la pleine efficacité du principe de faveur dans les mécanismes complexes de promotion interne au sein de la fonction publique.

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Hassan KOHEN
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