Cour d’appel administrative de Nancy, le 22 avril 2025, n°22NC01181

Par une décision rendue le 22 avril 2025, la Cour administrative d’appel de Nancy précise les conditions de reconnaissance de l’imputabilité au service des accidents de la vie. Un agent titulaire d’un conseil départemental a sollicité la reconnaissance de l’imputabilité au service de deux malaises survenus respectivement en juin et en novembre 2019. L’administration a rejeté ces demandes, estimant que les événements s’étaient produits en dehors du temps et du lieu du service, sans lien direct avec les fonctions. Saisi en première instance, le Tribunal administratif de Strasbourg a partiellement fait droit aux conclusions de l’agent en annulant le refus concernant le premier accident. Les deux parties ont interjeté appel afin de contester les fractions du jugement leur étant défavorables. Le problème de droit consiste à déterminer si un malaise survenu au domicile, après un trajet professionnel ou en raison d’un stress chronique, peut être qualifié d’accident de service. La juridiction d’appel considère que l’achèvement du trajet et l’absence de lien direct avec l’exercice des fonctions excluent toute reconnaissance d’imputabilité au service.

I. La délimitation spatiale stricte de l’accident de trajet

A. L’arrivée à la résidence comme terme du parcours protégé

Le juge administratif rappelle que l’accident de trajet doit se produire sur le parcours habituel entre le lieu de travail et la résidence de l’agent. La protection fonctionnelle cesse dès que l’agent franchit les limites de son domicile, marquant ainsi le retour à la sphère privée de l’existence. En l’espèce, l’intéressé a subi une perte de connaissance après avoir pénétré dans l’enceinte de sa propriété, ce qui interrompt la présomption d’imputabilité. La Cour souligne que le malaise a eu lieu « après être rentré de son lieu de travail en voiture et avoir pénétré dans l’enceinte de son domicile ». Cette constatation matérielle permet d’écarter la qualification d’accident de trajet, car l’événement ne se situe plus sur la voie publique ou le parcours habituel. La solution retenue confirme une jurisprudence établie qui refuse d’étendre la notion de trajet aux incidents survenant à l’intérieur de la propriété privée de l’agent.

B. L’indifférence du maintien de l’agent au sein de son véhicule

L’agent soutenait qu’il se trouvait encore dans sa voiture au moment de la crise, n’ayant pas formellement achevé son déplacement professionnel. La Cour écarte cet argument en jugeant que « le seul fait que l’agent ne soit pas descendu de son véhicule ne suffit pas à considérer qu’il n’avait pas achevé son trajet ». Cette précision renforce le caractère géographique du terme du trajet, lequel ne dépend pas de la position de l’individu par rapport à son habitacle. La station du véhicule dans l’enceinte privée suffit à consommer la fin de la période protégée par les dispositions législatives en vigueur. Ainsi, l’imputabilité ne peut être maintenue dès lors que le risque lié à la circulation et au trajet vers le domicile s’est éteint par l’arrivée à destination.

II. L’exclusion de la présomption d’imputabilité pour les malaises différés

A. L’exigence d’un lien direct avec le service hors du temps de travail

Pour le second malaise survenu à vingt-trois heures, la question de l’imputabilité se pose sous l’angle du lien causal direct avec l’activité professionnelle de l’agent. La Cour observe que cet événement s’est produit « hors du temps et du lieu de service », ce qui fait obstacle à l’application de la présomption d’imputabilité. Sans cette présomption, il appartient à l’agent d’apporter la preuve certaine que l’accident trouve sa cause exclusive ou prépondérante dans l’exercice de ses missions. Le juge administratif estime que l’événement ne peut être regardé comme un accident de service « sans qu’il ne soit démontré qu’il est directement en lien avec l’exercice des fonctions ». Cette exigence de preuve est interprétée de manière rigoureuse afin d’éviter que toute pathologie personnelle ne soit indûment prise en charge par la collectivité.

B. La portée limitée des certificats médicaux relatifs au stress professionnel

Le requérant produisait plusieurs rapports médicaux suggérant que ses crises d’épilepsie étaient la conséquence d’un stress important lié à une surcharge de travail manifeste. Toutefois, la Cour considère que ces éléments ne suffisent pas à établir un lien direct et certain entre le malaise nocturne et les conditions d’emploi. L’arrêt souligne qu’un tel événement ne peut être reconnu comme professionnel « alors même que les différents rapports médicaux versés à l’instance indiquent que la pathologie… serait en lien avec son activité ». La décision illustre la difficulté de faire reconnaître des accidents psychologiques ou neurologiques survenant de manière différée par rapport à l’exécution effective des tâches. Le juge administratif maintient une séparation nette entre l’état de santé général de l’agent et les accidents brusques survenus par le fait du service.

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Hassan KOHEN
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