Par un arrêt rendu le 22 avril 2025, la Cour administrative d’appel de Nancy précise les conditions de régularité du réexamen des demandes de titre de séjour pour raison de santé. La juridiction se prononce sur l’obligation pour l’administration de solliciter un nouveau rapport médical complet lorsque l’état de santé du demandeur connaît une évolution notable.
Deux ressortissants étrangers ont sollicité la délivrance de cartes de séjour temporaires en raison de pathologies graves nécessitant une prise en charge médicale sur le territoire français. Le préfet a initialement rejeté ces demandes en s’appuyant sur des avis médicaux émis par l’Office français de l’immigration et de l’intégration. Après une première annulation contentieuse pour défaut de réexamen, l’autorité administrative a de nouveau opposé un refus aux intéressés en décembre 2023. Les requérants soutenaient que leur état de santé s’était considérablement dégradé entre le premier rapport médical et la nouvelle décision préfectorale. Le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs recours par un jugement du 2 avril 2024, dont les requérants ont interjeté appel devant la cour administrative.
Le litige porte sur la validité de la procédure consultative médicale suivie par le préfet lors du réexamen des dossiers après l’annulation d’un précédent refus. La question posée aux juges est de savoir si l’administration peut se dispenser d’un nouveau rapport médical de l’office lorsque des faits médicaux nouveaux sont survenus. La Cour administrative d’appel de Nancy censure le raisonnement des premiers juges en estimant que l’absence d’un nouveau rapport médical a privé les demandeurs d’une garantie essentielle. Elle juge que « le réexamen de la demande de titre de séjour […] nécessitait de recommencer la procédure médicale consultative prévue en une telle hypothèse ».
I. L’exigence d’une procédure médicale actualisée lors du réexamen
A. La distinction entre l’avis du collège et le rapport médical
Le cadre juridique applicable aux étrangers malades distingue nettement le rapport médical, établi par un médecin de l’office, de l’avis rendu par le collège de médecins. L’article R. 425-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile impose que l’avis soit émis au vu d’un rapport. La Cour souligne que pour le titre de séjour, la procédure doit être complète et ne peut se limiter aux modalités simplifiées prévues pour l’éloignement. Elle relève ainsi que l’avis de novembre 2023 a été émis « sans nouveau rapport médical par un médecin de l’office », contrairement aux prescriptions réglementaires.
B. L’incidence déterminante de l’évolution de l’état de santé
La solution retenue par les juges d’appel repose sur la constatation de changements majeurs dans les circonstances de fait concernant les deux requérants. L’un a subi un quadruple pontage aorto-coronarien et l’autre une mastectomie partielle postérieurement au premier rapport médical établi en décembre 2021. La Cour considère que ces évolutions médicales « n’ont pas été prises en compte par l’avis du 21 janvier 2022 » qui servait de base à l’administration. Le juge administratif impose donc une actualisation de l’instruction médicale dès lors que les données initiales sont rendues obsolètes par des interventions chirurgicales lourdes.
II. La sanction de la privation d’une garantie procédurale
A. L’application de la jurisprudence relative aux vices de procédure
L’arrêt fait une application rigoureuse des principes régissant les vices de procédure, en vérifiant si l’irrégularité a exercé une influence ou privé l’intéressé d’une garantie. La Cour juge explicitement que « l’absence d’établissement d’un nouveau rapport médical a, en l’espèce, privé l’intéressé d’une garantie » fondamentale pour l’examen de ses droits. Le rapport médical constitue l’étape où le demandeur peut être convoqué pour examen et présenter ses documents d’identité de manière contradictoire. En omettant cette phase, le préfet a entaché ses arrêtés d’une illégalité externe qui justifie l’annulation pour excès de pouvoir de l’ensemble des décisions.
B. La portée protectrice du réexamen ordonné par le juge
La décision de la Cour administrative d’appel de Nancy renforce la protection des étrangers malades en garantissant l’effectivité du contrôle médical par l’autorité administrative. L’annulation des arrêtés préfectoraux entraîne l’obligation pour le préfet de procéder à un nouveau réexamen complet des demandes de titres de séjour. Cette procédure devra impérativement inclure la rédaction d’un rapport médical actualisé tenant compte des interventions chirurgicales subies par les demandeurs depuis 2022. La Cour enjoint ainsi à l’administration de délivrer des autorisations provisoires de séjour dans l’attente de ces nouvelles décisions, assurant la continuité de la protection.