Cour d’appel administrative de Nancy, le 22 avril 2025, n°24NC00879

Par un arrêt rendu le 22 avril 2025, la cour administrative d’appel de Nancy précise les conditions de légalité d’un transfert vers l’État responsable d’une demande d’asile. Une ressortissante étrangère est entrée sur le territoire national accompagnée de son fils mineur avant de solliciter la protection de la France. L’autorité préfectorale a constaté que l’intéressée disposait d’un visa espagnol périmé depuis moins de six mois lors de sa demande de protection. Le préfet a alors décidé son transfert vers l’Espagne et a simultanément prononcé une mesure d’assignation à résidence pour une durée déterminée. La requérante a saisi le tribunal administratif de Nancy qui a rejeté sa demande d’annulation par un jugement du 4 mars 2024. Elle soutient devant le juge d’appel que la procédure de saisine des autorités espagnoles est irrégulière car le formulaire omet ses liens familiaux. Le litige porte sur l’obligation de mentionner des collatéraux dans le formulaire de prise en charge et sur l’usage de la clause de souveraineté. La juridiction d’appel rejette la requête en considérant que la fratrie ne répond pas à la définition légale des membres de la famille. Cette décision invite à examiner d’une part la définition restrictive des membres de la famille et d’autre part le caractère discrétionnaire de la clause humanitaire.

I. L’interprétation stricte de la notion de membre de la famille dans la procédure de transfert

A. Une définition réglementaire cantonnée au cercle familial restreint

Le règlement du 26 juin 2013 définit précisément les membres de la famille en limitant cette catégorie au conjoint et aux enfants mineurs du demandeur. La cour administrative d’appel de Nancy rappelle que « la sœur et le beau-frère du demandeur ne sont pas en principe » des membres de la famille. Cette exclusion repose sur le fait que la famille doit avoir déjà existé dans le pays d’origine pour être reconnue par le droit européen. Les juges soulignent que cette définition ne peut être étendue par des actes d’exécution nationaux ou des interprétations extensives de la part des autorités administratives. La requérante étant majeure et mariée, elle ne pouvait se prévaloir des exceptions prévues pour les demandeurs mineurs ou les bénéficiaires d’une protection internationale. Cette approche garantit une application uniforme du règlement Dublin III entre les différents États membres de l’Union européenne participant au système d’asile.

B. La régularité du formulaire de saisine dépourvu de mentions superflues

L’absence de mention de la sœur et du beau-frère dans le formulaire de prise en charge ne constitue pas un vice de procédure substantiel. La cour administrative d’appel de Nancy considère que les autorités françaises n’ont pas commis d’irrégularité en s’abstenant de remplir la rubrique dédiée aux parents. Le formulaire type comporte des rubriques obligatoires mais les informations relatives aux collatéraux ne revêtent ce caractère que si ces personnes sont considérées comme membres de la famille. Puisque la fratrie est exclue de cette qualification juridique, l’administration n’était pas tenue de signaler leur présence en France aux autorités espagnoles lors de la saisine. La décision de transfert n’est donc pas entachée d’un défaut d’examen complet de la situation personnelle de l’intéressée malgré cette omission purement formelle. L’administration a respecté les conditions uniformes pour l’établissement et la présentation des requêtes aux fins de prise en charge définies par la Commission européenne.

II. La confirmation du large pouvoir d’appréciation dans l’usage des clauses discrétionnaires

A. La nature facultative de la clause de souveraineté au regard du droit européen

L’article 17 du règlement du 26 juin 2013 permet à chaque État membre d’examiner une demande d’asile même si cet examen ne lui incombe pas. La cour administrative d’appel de Nancy affirme que « la faculté laissée à chaque Etat membre par le 1 de cet article 17 est discrétionnaire ». Cette disposition ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d’asile mais une prérogative souveraine des États fondée sur des motifs politiques ou humanitaires. Les juges rappellent que l’exercice de cette faculté n’est soumis à aucune condition particulière et vise à préserver la souveraineté des autorités nationales compétentes. En conséquence, un demandeur ne dispose d’aucun droit garanti par le droit de l’Union à ce qu’un État fasse usage de cette clause spécifique. Cette interprétation s’inscrit fidèlement dans la lignée de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne relative aux clauses de souveraineté.

B. L’absence d’erreur manifeste d’appréciation face à des attaches familiales collatérales

Le préfet n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en refusant d’appliquer la clause discrétionnaire malgré la présence de réfugiés de la même famille en France. La circonstance que la sœur et le beau-frère résident régulièrement sur le territoire national ne présente pas, selon les juges, un caractère humanitaire suffisant. La cour administrative d’appel de Nancy estime que l’absence d’attaches privées et familiales en Espagne ne saurait obliger l’État français à examiner lui-même la demande. Le contrôle juridictionnel sur ce point reste restreint à l’erreur manifeste, laissant ainsi une marge de manœuvre considérable à l’autorité préfectorale dans sa gestion. La mise en œuvre du critère de responsabilité lié à la délivrance d’un visa prime sur les considérations liées à la présence de parents éloignés. L’arrêté de transfert ainsi que la mesure d’assignation à résidence sont jugés légaux car ils respectent les objectifs de détermination rapide de l’État responsable.

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Hassan KOHEN
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