Cour d’appel administrative de Nancy, le 24 avril 2025, n°23NC00541

La Cour administrative d’appel de Nancy a rendu le 24 avril 2025 une décision précisant les modalités de preuve relatives aux variations de l’actif net. Cette affaire concerne une société spécialisée dans les systèmes de sécurité ayant subi un redressement en matière d’impôt sur les sociétés après une vérification comptable. L’administration fiscale avait réintégré à l’actif un véhicule dont la sortie n’était pas justifiée et refusé une provision pour dépréciation d’une créance jugée injustifiée. Le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de décharge de la société par un jugement rendu le 19 décembre 2022 dont il est fait appel. Le litige porte sur la charge de la preuve en matière de minoration d’actif et sur le caractère probable d’une perte pour constituer une provision. Les juges d’appel ont partiellement fait droit aux conclusions de la société en réduisant la base imposable de l’exercice litigieux selon un raisonnement binaire. L’étude de cet arrêt commande d’analyser la preuve des variations de l’actif immobilisé avant d’examiner la rigueur des conditions de déduction des provisions pour créances.

I. La caractérisation probatoire des variations de l’actif immobilisé

A. La preuve de l’appartenance d’un bien à l’actif social

L’administration fiscale a constaté la disparition d’un véhicule de type utilitaire du bilan de la société sans que soit produite une pièce justificative de cession. Le gérant invoquait une vente probable réalisée par un tiers à son insu mais ne produisait aucun certificat de cession ou procès-verbal de police probant. Le service a relevé des contradictions manifestes entre les déclarations du gérant lors de la synthèse et les écritures comptables mentionnant une simple mise au rebut. La cour valide la position administrative en jugeant que « l’administration rapporte la preuve qui lui incombe que le véhicule aurait dû se trouver à l’actif du bilan ». Cette solution repose sur l’article 38 du code général des impôts définissant le bénéfice net par la variation de l’actif net entre deux clôtures. Le contribuable ne peut se libérer de son obligation déclarative par de simples allégations dénuées de tout support matériel tel qu’un duplicata de certificat de cession. La sortie d’un élément d’actif doit impérativement être retracée par une écriture régulière appuyée par des pièces justificatives précises dont l’absence autorise la réintégration.

B. L’exigence d’une valorisation vénale réelle de l’actif réintégré

Le service vérificateur avait maintenu la valeur d’origine du véhicule acheté en 2008 pour chiffrer la réintégration au titre de l’exercice clos en l’année 2015. La société requérante soutenait cependant que le bien était totalement amorti et que sa valeur nette comptable était devenue nulle à la date du contrôle. La cour censure l’administration fiscale qui n’établit pas que la valeur vénale du bien était restée égale à son prix d’achat sept ans après l’acquisition. Il est ainsi jugé que le service « ne démontre pas que la valeur vénale de ce véhicule acquis en 2008 était effectivement, au 31 décembre 2015, égale à son prix d’achat ». Cette position protège le contribuable contre une survalorisation arbitraire d’un actif ancien qui aurait normalement dû subir les effets de l’usure et du temps. La décision souligne que la preuve de la valeur d’un bien réintégré incombe au service lorsque le montant des amortissements pratiqués rend la valeur nette nulle. La décharge est donc accordée pour la fraction du bénéfice imposable correspondant à cette réintégration injustifiée en raison de l’absence de valeur vénale résiduelle démontrée.

II. La rigueur des conditions de déductibilité des provisions pour créances

A. L’insuffisante démonstration du lien avec l’intérêt de l’entreprise

La société avait constitué une provision de cinquante-sept mille euros correspondant à une créance détenue sur le frère du gérant pour des travaux de rénovation personnelle. Le bénéfice net s’établit sous déduction des charges et des provisions pour pertes nettement précisées selon les dispositions de l’article 39 du code général des impôts. Une provision ne peut être valablement déduite que si la perte qu’elle anticipe se rattache à une opération de gestion normale de l’exploitation sociale. En l’espèce, les fonds avaient été prêtés pour financer des travaux dans un appartement privé ce qui ne présentait aucun avantage direct pour l’activité commerciale. Le lien entre la créance devenue douteuse et l’objet social de l’entreprise n’était pas établi de manière suffisante par les pièces produites au dossier. Les juges confirment que les sommes prêtées à un membre de la famille du gérant ne constituent pas des charges déductibles au sens de la loi. La réintégration de la provision est maintenue car la créance litigieuse procède d’un acte étranger à une gestion commerciale normale et ne peut être provisionnée.

B. L’appréciation de la probabilité de la perte à la clôture de l’exercice

Le contribuable invoquait le départ à l’étranger du débiteur et le dépôt d’une plainte pénale pour justifier le caractère irrécouvrable de la somme en litige. La jurisprudence exige que les pertes apparaissent comme probables au regard des circonstances précises constatées par l’entreprise à la date de clôture de l’exercice concerné. Or, le procès-verbal d’audition produit par la société était postérieur de deux ans à l’exercice au cours duquel la somme globale avait été initialement provisionnée. La cour relève que la plainte invoquée ne portait pas explicitement sur la reconnaissance de dette litigieuse et n’avait pas été déposée pour le compte social. Il est rappelé que « les pertes ou charges doivent être susceptibles d’être évaluées avec une approximation suffisante » et paraître probables à la fin de l’année. Les éléments de preuve chronologiques montrent que le risque de non-recouvrement n’était pas caractérisé avec une précision suffisante au 31 décembre de l’année 2015. Le refus de déduction est donc confirmé dès lors que les événements invoqués pour justifier la dépréciation sont soit postérieurs, soit dépourvus de lien formel.

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Hassan KOHEN
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