La Cour administrative d’appel de Nancy a rendu le 24 juin 2025 un arrêt relatif aux conséquences indemnitaires de l’éviction illégale d’un agent contractuel.
Un agent, recruté par contrat à durée indéterminée en 1999, fut licencié le 8 mars 2017 en raison d’une inaptitude physique totale et définitive. Le tribunal administratif de Nancy annula cette décision le 21 mai 2019 pour un défaut de motivation, ordonnant alors la réintégration rétroactive de l’intéressé. L’agent sollicita ensuite le versement d’une somme indemnitaire de 22 772,12 euros afin de réparer les préjudices résultant de cette éviction jugée initialement irrégulière. Le tribunal administratif de Nancy rejeta cette demande indemnitaire par un jugement du 24 mars 2022, provoquant l’appel de l’agent devant la juridiction supérieure. La question posée aux juges consistait à déterminer si l’annulation pour vice de forme ouvrait systématiquement un droit à réparation intégrale du préjudice financier subi. La Cour confirme le rejet de la demande au motif que l’éviction, bien qu’entachée d’une insuffisance de motivation, demeurait justifiée sur le fond du dossier.
**I. La distinction entre illégalité externe et droit à réparation**
**A. L’annulation pour vice de forme, point de départ de la responsabilité**
L’arrêt commenté rappelle qu’une décision d’éviction annulée pour un vice de forme constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l’administration. La décision du 8 mars 2017 avait été censurée par les premiers juges en raison d’un « défaut de motivation » rendant la mesure administrative initialement illégale. Cette annulation contentieuse impose certes la réintégration de l’agent mais elle ne suffit pas à elle seule pour justifier l’allocation automatique de dommages et intérêts. Les juges précisent que « cette annulation, si elle est de nature à entraîner la responsabilité », exige l’examen de la légalité interne de la décision contestée.
**B. La nécessaire démonstration d’une illégalité interne pour l’indemnisation**
Le droit à réparation intégrale de l’agent évincé dépend exclusivement du caractère injustifié de la mesure prise par l’autorité administrative sur le fond du litige. La juridiction d’appel souligne que la condamnation pécuniaire ne peut intervenir que si, « indépendamment du vice de forme, cette mesure de licenciement était injustifiée sur le fond ». Cette solution classique du contentieux administratif distingue la légalité de l’acte de la réalité du préjudice né de l’application d’une règle de fond erronée. L’agent ne peut prétendre à la réparation de la perte de rémunération que s’il établit que son licenciement était juridiquement infondé au regard de son état.
**II. L’application rigoureuse du régime de responsabilité pour éviction illégale**
**A. La charge de la preuve pesant sur l’agent évincé**
Le demandeur doit apporter la preuve de l’illégalité interne pour obtenir l’indemnisation des rémunérations dont il a été privé durant la période d’éviction irrégulière. La Cour relève ici que l’intéressé ne produit « aucun élément de nature à corroborer ses affirmations » concernant l’absence d’inaptitude physique totale et définitive initialement constatée. La simple réintégration administrative faisant suite à une annulation pour vice de forme n’établit nullement que le motif de santé invoqué était factuellement inexact. Les juges d’appel confirment l’appréciation des premiers magistrats en constatant qu’il « ne résulte dès lors pas de l’instruction » que la mesure de licenciement manquait de fondement.
**B. L’exclusion de la réparation intégrale en l’absence de préjudice indemnisable**
L’indemnité due au titre du préjudice financier doit prendre en compte « la nature et la gravité des illégalités » sans toutefois compenser une éviction justifiée. Dès lors que le licenciement repose sur une inaptitude physique réelle, l’agent n’a pas subi de préjudice financier directement imputable à la faute de l’administration. La perte de traitement résulte alors non pas du vice de forme sanctionné mais de l’impossibilité physique de l’agent à occuper ses fonctions de service. La requête est donc rejetée car l’agent « n’est, dès lors, pas fondée à réclamer une indemnisation » pour une mesure de licenciement légalement justifiée au fond.