Cour d’appel administrative de Nancy, le 24 juin 2025, n°24NC00138

La cour administrative d’appel de Nancy a rendu, le 24 juin 2025, une décision relative aux conditions d’octroi de la protection temporaire. Le litige concernait un ressortissant étranger ayant fui l’Ukraine, sollicitant un titre de séjour en qualité de membre de famille d’une bénéficiaire de la protection. L’autorité administrative a refusé cette demande et assorti sa décision d’une obligation de quitter le territoire français. Le tribunal administratif de Nancy a rejeté la requête tendant à l’annulation de cet arrêté préfectoral par un jugement du 12 octobre 2023. L’appelant soutient que son union avec une ressortissante ukrainienne lui ouvre droit au séjour temporaire prévu par le droit de l’Union européenne. La juridiction d’appel devait déterminer si les preuves apportées suffisaient à établir un lien familial protégé au sens des textes applicables. La cour rejette la requête en confirmant l’absence de preuve probante du mariage ou d’une relation stable avant le conflit armé.

**I. Une interprétation rigoureuse de la qualité de membre de famille**

**A. L’exigence de preuve de la validité du lien matrimonial**

Le bénéfice de la protection temporaire suppose, selon l’article 2 de la décision d’exécution du 4 mars 2022, la qualité de « conjoint d’une personne » déplacée. Le requérant invoquait un mariage célébré en 2020 pour justifier son droit au séjour sur le territoire national. La cour relève toutefois que le divorce de sa compagne n’était devenu définitif qu’en janvier 2022. Cette circonstance rend juridiquement impossible l’existence d’une union matrimoniale régulière contractée antérieurement avec l’intéressé. L’administration souligne ainsi la primauté de la réalité juridique des actes de l’état civil sur les simples déclarations des administrés. Les juges confirment que le certificat de mariage produit ne saurait prévaloir face à l’incompatibilité manifeste résultant d’un précédent lien non dissous.

**B. L’appréciation restrictive de la stabilité de la relation de fait**

La protection s’étend également au « partenaire non marié engagé dans une relation stable » sous réserve de preuves tangibles de vie commune en Ukraine. Le requérant produisait une attestation de sa compagne affirmant une vie de couple débutée en novembre 2021. Les magistrats considèrent que ce document, rédigé postérieurement à la décision attaquée, manque de force probante suffisante pour caractériser une telle union. Les pièces relatives à l’hébergement commun en France ne permettent pas de démontrer l’existence d’une cellule familiale stable avant l’invasion. Par ailleurs, cette solution illustre la volonté du juge de limiter le bénéfice de la protection exceptionnelle aux situations familiales préexistantes. Le refus de reconnaître la qualité de partenaire stable répond aux exigences de sécurité juridique dans la gestion des flux migratoires.

**II. La régularité de la procédure et l’encadrement du contrôle juridictionnel**

**A. L’aménagement des droits procéduraux lors d’une mesure d’éloignement**

Le requérant invoquait une méconnaissance de son droit d’être entendu, principe général du droit de l’Union européenne figurant à « l’article 41 de la charte ». La cour rappelle que ce droit n’impose pas une audition spécifique pour l’obligation de quitter le territoire lorsqu’elle suit un refus de séjour. L’intéressé a pu faire valoir ses observations lors du dépôt de sa demande initiale auprès des services administratifs compétents. Le juge administratif consacre ainsi une forme de satisfaction par équivalence des garanties procédurales dans le cadre des décisions concomitantes. Cette position jurisprudentielle assure une efficacité administrative tout en préservant le noyau dur des droits de la défense du ressortissant étranger. L’obligation de quitter le territoire français est ici perçue comme la conséquence nécessaire et prévisible du rejet de la demande de protection.

**B. La limitation du devoir d’examen d’office par l’autorité préfectorale**

L’autorité administrative n’est pas tenue de rechercher si l’étranger peut prétendre au séjour sur un fondement autre que celui invoqué initialement. Le requérant critiquait l’absence d’examen de sa situation au regard du pouvoir discrétionnaire de régularisation ou de « l’article L. 423-23 du code ». La cour juge ces moyens inopérants puisque l’administration s’est prononcée exclusivement sur le fondement de la protection temporaire sollicitée. Cette solution réaffirme que le cadre de l’examen administratif est strictement délimité par l’objet même de la demande présentée par l’administré. Le juge refuse d’imposer à l’administration une obligation de prospection généralisée des différents titres de séjour possibles lors d’une instruction. La décision de la cour administrative d’appel de Nancy confirme ainsi une application rigoureuse des règles de séjour liées à la crise ukrainienne.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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