La Cour administrative d’appel de Nancy a rendu, le 25 février 2025, une décision relative au droit au séjour des étrangers malades et à la protection de leur vie privée.
Entrée en France en octobre 2017, la requérante a bénéficié de plusieurs autorisations provisoires de séjour justifiées par une pathologie psychiatrique sévère. Le 1er février 2023, l’autorité administrative a refusé le renouvellement de son titre de séjour et l’a obligée à quitter le territoire national. Par un jugement rendu le 29 juin 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d’annulation dirigée contre ces décisions.
Le juge d’appel doit déterminer si l’accès effectif aux soins est garanti malgré l’existence d’un système de santé fonctionnel dans l’État de destination. La Cour administrative d’appel de Nancy confirme le rejet de la requête en soulignant que la continuité thérapeutique ne constitue pas un droit au maintien sur le territoire. L’analyse portera d’abord sur l’exigence de soins médicaux (I), avant d’examiner l’appréciation des liens familiaux et de l’intégration (II).
I. L’articulation rigoureuse entre l’exigence de soins et la disponibilité des traitements locaux
L’examen de la légalité du refus de séjour repose sur l’évaluation médicale transmise par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (A), ainsi que sur la preuve de l’accès effectif aux soins (B).
A. L’appréciation de l’état de santé par l’autorité administrative
L’autorité administrative statue au vu d’un avis émis par un collège de médecins précisant la gravité de la pathologie et l’offre de soins disponible. La Cour administrative d’appel de Nancy relève que si « l’état de santé de la requérante nécessitait une prise en charge dont l’éventuel défaut était susceptible d’entraîner des conséquences d’une exceptionnelle gravité », le traitement approprié existe. La juridiction rappelle ainsi que la protection juridique n’est accordée que si l’étranger ne peut pas bénéficier effectivement d’un traitement dans son pays. Le juge administratif exerce un contrôle normal sur la nature et la gravité des risques encourus en cas de retour forcé vers l’État d’origine.
B. La charge de la preuve de l’absence de traitement approprié
L’intéressée invoque l’existence d’un suivi thérapeutique de qualité en France pour contester son éloignement vers la Bosnie-Herzégovine. La Cour administrative d’appel de Nancy écarte cet argument en soulignant que la requérante « ne démontre pas plus qu’il n’existerait pas de service de suivi psychiatrique » dans son pays. Le juge administratif refuse de consacrer un droit à l’équivalence des soins entre la France et le pays d’origine du ressortissant étranger. Cette position impose au demandeur de prouver que des circonstances exceptionnelles l’empêcheraient d’accéder effectivement aux structures médicales locales. Cette rigueur dans l’appréciation médicale se double d’une analyse exigeante de la situation personnelle de la requérante.
II. La conciliation délicate entre l’état de santé et la préservation de la vie privée et familiale
La validité du refus de séjour dépend également de l’intensité des liens familiaux (A), dont la légalité conditionne celle des mesures d’éloignement (B).
A. Une intégration territoriale jugée insuffisante au regard de la situation familiale
La requérante invoque sa vie familiale pour contester le refus de titre de séjour, mettant en avant la scolarisation de ses enfants. Le juge administratif observe cependant que le mari séjourne irrégulièrement et que l’unité de la famille peut se reconstituer hors de France. La Cour administrative d’appel de Nancy précise que « le fait qu’elle ne soit pas autorisée à résider en France n’empêche pas ses enfants d’y poursuivre leur scolarité ». L’absence d’intégration professionnelle et le maintien d’attaches dans le pays d’origine font obstacle à la reconnaissance d’une erreur manifeste d’appréciation. La protection de la vie privée et familiale ne saurait ainsi pallier les insuffisances du dossier médical pour obtenir un droit au séjour.
B. La portée limitée de la protection contre les mesures d’éloignement
L’obligation de quitter le territoire français est contestée par voie d’exception d’illégalité du refus de séjour, mais cet argument échoue logiquement. La Cour administrative d’appel de Nancy confirme que l’état de santé ne fait pas obstacle à l’éloignement dès lors qu’un traitement est accessible. La décision fixant le pays de destination est également validée, car la requérante n’établit pas de risques personnels en cas de retour. Le juge refuse de sanctionner l’autorité administrative, estimant qu’elle a procédé à un examen réel et complet de la situation de l’intéressée. Cette jurisprudence illustre la volonté de maintenir un équilibre entre le respect des droits fondamentaux et la maîtrise des flux migratoires.