Cour d’appel administrative de Nancy, le 27 décembre 2024, n°23NC03017

La Cour administrative d’appel de Nancy a rendu, le 27 décembre 2024, une décision relative au refus de séjour et à l’obligation de quitter le territoire français. Le litige porte sur la légalité d’un arrêté préfectoral contesté par un ressortissant étranger invoquant son état de santé ainsi que son intégration sociale et familiale. Un ressortissant guinéen est entré en France durant l’année 2017 et a vu sa demande de reconnaissance du statut de réfugié définitivement rejetée par les juridictions compétentes. Par un arrêté du 24 mars 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé son admission au séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire national. Le Tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande d’annulation de cet acte administratif par un jugement rendu en date du 3 août 2023. Le requérant a alors interjeté appel devant la juridiction supérieure en soulevant des moyens relatifs à la régularité formelle et au bien-fondé de la mesure d’éloignement. La juridiction doit déterminer si les éléments médicaux et personnels produits permettent de renverser l’appréciation portée par l’administration sur la situation réelle de l’intéressé. La Cour rejette la requête en estimant que l’état de santé ne justifie pas de titre de séjour et que l’atteinte à la vie privée demeure proportionnée. L’étude de cette décision impose d’analyser d’abord l’application stricte des critères de santé puis l’appréciation souveraine de l’insertion du requérant dans la société française.

I. L’encadrement rigoureux du droit au séjour pour motifs de santé

A. La primauté de l’expertise médicale dans l’appréciation de la gravité

La Cour administrative d’appel de Nancy rappelle que la délivrance d’un titre de séjour pour raison médicale suppose une prise en charge d’une exceptionnelle gravité. L’avis du collège de médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration constitue ici la pièce maîtresse du raisonnement suivi par le préfet. Les magistrats soulignent que « le défaut de celle-ci ne devrait pas entraîner pour lui de conséquences d’une exceptionnelle gravité » malgré les pathologies chroniques alléguées. La production de simples pièces médicales évoquant des séquelles physiques ne suffit pas à remettre en cause l’expertise scientifique réalisée par l’organisme médical compétent. Le juge refuse ainsi de substituer sa propre appréciation à celle des médecins sans élément probant de nature à contredire sérieusement l’avis rendu initialement.

B. La spécificité des garanties procédurales en matière d’éloignement

Le juge administratif précise également l’étendue des garanties procédurales dont bénéficie l’étranger lors de l’instruction de sa demande de maintien sur le territoire national. L’arrêt écarte l’application de la procédure contradictoire générale au profit des dispositions spéciales prévues par le code de l’entrée et du séjour des étrangers. Par ailleurs, le droit d’être entendu est considéré comme satisfait par la possibilité offerte au demandeur de présenter toutes ses observations lors du dépôt initial. La décision souligne ainsi que l’administration n’a pas l’obligation de solliciter de nouvelles observations avant de prendre une mesure d’éloignement consécutive au refus. La validation de ces aspects procéduraux permet alors au juge de se prononcer sur la proportionnalité de la mesure au regard de la situation personnelle.

II. Une appréciation classique de la proportionnalité de l’atteinte à la vie privée

A. Une évaluation restrictive de l’intensité des liens personnels

L’examen du droit au respect de la vie privée repose sur une évaluation globale de l’intensité, de l’ancienneté et de la stabilité des liens en France. Le requérant, arrivé à l’âge adulte, ne dispose d’aucune charge de famille sur le territoire national et n’établit pas être dépourvu d’attaches dans son pays. Les juges considèrent donc que l’autorité préfectorale n’a pas porté « une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus » au droit garanti par les conventions. Cette solution confirme une jurisprudence constante qui privilégie la situation familiale effective sur la simple durée de présence ou l’intégration professionnelle invoquée par l’intéressé. L’absence de vie familiale stable constitue un obstacle majeur à la reconnaissance d’un droit au séjour fondé sur les attaches privées développées sur le territoire.

B. Le rappel des limites d’application des normes européennes

L’arrêt rendu par la Cour administrative d’appel de Nancy réaffirme l’inopérance de certaines normes européennes à l’égard des autorités agissant au niveau strictement national. L’invocation de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne est ainsi rejetée car il s’adresse exclusivement aux institutions de l’Union. La portée de cette décision réside dans la clarté apportée sur l’articulation entre les principes généraux du droit européen et les procédures administratives internes. Cette approche sécurise l’action de l’administration tout en maintenant un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation sur les conséquences d’une mesure d’éloignement du territoire. La juridiction administrative confirme ainsi la légalité de l’acte attaqué en l’absence d’éléments nouveaux susceptibles de modifier l’appréciation portée sur la situation individuelle.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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