La cour administrative d’appel de Nancy, par un arrêt rendu le 27 février 2025, s’est prononcée sur la légalité d’un refus de titre de séjour. Un ressortissant étranger contestait l’arrêté préfectoral rejetant sa demande d’admission au séjour au titre de sa vie privée et de son insertion professionnelle. Le requérant invoquait notamment une présence sur le territoire national depuis huit années ainsi que la signature d’un contrat d’apprentissage dans la restauration. Le tribunal administratif de Strasbourg ayant rejeté sa demande initiale le 26 mars 2024, l’intéressé a saisi la juridiction d’appel pour obtenir l’annulation. La question posée aux juges consistait à déterminer si le refus de titre portait une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée. La cour a rejeté la requête en estimant que la situation personnelle de l’administré ne justifiait pas une protection particulière au regard du droit européen.
I. Une conciliation stricte entre la durée du séjour et le respect de la vie familiale
A. La neutralisation d’une présence prolongée issue d’un maintien irrégulier
La juridiction administrative d’appel rappelle d’emblée que la durée de présence sur le territoire français ne saurait constituer un droit automatique à la régularisation. En l’espèce, le requérant se prévalait de huit années de résidence continue depuis son entrée irrégulière en France à l’âge de dix-sept ans. Les juges soulignent cependant que « la durée de présence en France du requérant résulte de l’instruction de ses demandes d’asile » devant les instances compétentes. Ce séjour s’est poursuivi irrégulièrement car l’intéressé « n’a pas respecté les deux premières mesures d’éloignement prises à son encontre » par l’autorité préfectorale. Par cette analyse, la cour refuse de valider une stratégie de fait accompli qui viserait à obtenir un titre de séjour par l’écoulement du temps.
B. L’absence d’atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée
L’examen de la situation familiale du requérant conduit les magistrats à écarter toute méconnaissance des stipulations de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde. La cour précise que les textes « ne lui garantissent pas le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer une vie privée et familiale ». Bien que sa mère et son frère résident en France, ils y sont également en situation irrégulière, ce qui fragilise la stabilité invoquée. De plus, l’intéressé conserve des attaches fortes dans son pays d’origine où il a vécu la majeure partie de son existence. Il ne démontre pas ainsi qu’il serait « dépourvu d’attaches dans son pays d’origine où il a vécu jusqu’à l’âge de dix-sept ans ».
II. L’encadrement juridictionnel de l’appréciation souveraine de l’administration
A. La portée relative de l’insertion professionnelle dans le cadre de la régularisation
L’exercice d’une activité professionnelle, même sous la forme d’un contrat d’apprentissage, n’emporte pas nécessairement la reconnaissance d’un motif exceptionnel d’admission au séjour. Le requérant mettait en avant son insertion dans le secteur de la restauration pour justifier l’application des dispositions de l’article L. 435-1 du code. Les juges estiment toutefois qu’en invoquant cette activité, l’administré « n’établit pas avoir transféré en France le centre de ses intérêts personnels et familiaux ». L’insertion professionnelle est ainsi jugée insuffisante pour compenser la précarité des liens familiaux et le caractère irrégulier du maintien sur le territoire. Cette solution confirme la rigueur de l’appréciation des critères de l’admission exceptionnelle au séjour par le juge administratif.
B. L’ineffictivité des circulaires ministérielles face au pouvoir d’appréciation du préfet
Le requérant tentait enfin de se prévaloir des orientations fixées par la circulaire ministérielle du 28 novembre 2012 pour obtenir son admission au séjour. La cour rejette cet argument en rappelant la nature purement indicative de ce texte qui ne crée aucun droit opposable pour les administrés. Ce document « se borne à énoncer des orientations générales destinées à éclairer les préfets » dans l’exercice de leurs compétences en matière de police des étrangers. Le préfet conserve donc son plein pouvoir d’appréciation et n’est jamais privé de la faculté de refuser la délivrance d’un titre de séjour. L’illégalité de la décision de refus de séjour étant écartée, les conclusions dirigées contre l’obligation de quitter le territoire sont logiquement rejetées.