La cour administrative d’appel de Nancy a statué le 27 mai 2025 sur la régularité d’un jugement portant sur une mesure d’assignation à résidence. Cette décision précise l’étendue du droit à la communication du dossier administratif ainsi que les exigences relatives à la motivation des décisions juridictionnelles. Un ressortissant étranger, entré irrégulièrement en France, a fait l’objet d’une procédure de transfert vers les autorités d’un autre État membre. L’autorité préfectorale a prononcé à son encontre une assignation à résidence, laquelle a été renouvelée à deux reprises au cours de l’année 2024. Le tribunal administratif de Nancy a rejeté le 17 avril 2024 la demande d’annulation formée contre le dernier arrêté de renouvellement. L’appelant soutient devant la cour que le premier juge a méconnu les dispositions législatives en refusant d’ordonner la communication de son dossier administratif. Il invoque également une insuffisance de motivation du jugement concernant la nécessité de restreindre sa liberté d’aller et de venir durant la procédure. Le litige pose la question de savoir si le juge est tenu d’enjoindre la communication du dossier au-delà du simple respect du contradictoire. La juridiction doit aussi apprécier si le magistrat doit répondre spécifiquement à chaque argument relatif aux conséquences d’une mesure de contrainte spatiale. La cour administrative d’appel de Nancy rejette la requête en confirmant la régularité de la procédure suivie devant les premiers juges du fond. L’étude de l’absence d’obligation formelle de communication du dossier précédera l’examen de la validité de la motivation retenue par le tribunal administratif.
I. L’interprétation restrictive des obligations de communication du dossier administratif
A. La primauté du principe général du contradictoire
Le requérant fondait sa demande sur l’article L. 614-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile alors en vigueur. Ce texte prévoit que « l’étranger peut demander (…) la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision contestée a été prise ». L’appelant estimait que cette disposition imposait au magistrat une obligation d’ordonner activement la transmission des documents par les services de l’administration. La cour administrative d’appel de Nancy écarte cette lecture en rappelant que le juge n’est pas tenu de donner suite à une telle demande. Elle souligne que le texte n’impose pas d’autre obligation que « le simple respect du principe du contradictoire inhérent à toute procédure contentieuse administrative ». Cette solution confirme que le droit spécial de communication ne crée pas une procédure dérogatoire aux règles générales du droit au procès équitable.
B. L’absence de préjudice procédural en l’espèce
La décision s’attache ensuite à vérifier concrètement si les pièces nécessaires à l’exercice des droits de la défense ont été effectivement transmises au tribunal. Les juges d’appel constatent que le représentant de l’État a communiqué l’ensemble des éléments utiles à l’instruction de la requête en première instance. Ces documents ont été régulièrement portés à la connaissance du requérant dans le cadre des échanges de mémoires prévus par le code de justice administrative. La cour administrative d’appel de Nancy conclut que le magistrat désigné n’a commis aucune irrégularité en n’ordonnant pas une communication formelle supplémentaire. Le respect effectif du contradictoire rend ainsi superfétatoire l’usage d’un pouvoir d’injonction qui demeure à la libre discrétion de la formation de jugement.
II. La validation de la structure de motivation du jugement attaqué
A. La réponse adéquate du juge aux articulations de la défense
Le second volet de l’arrêt concerne l’obligation de motivation imposée par l’article L. 9 du code de justice administrative aux juridictions de premier ressort. L’appelant critiquait le jugement pour ne pas avoir répondu de manière assez précise au moyen tiré du défaut de motivation de l’arrêté administratif. La cour administrative d’appel de Nancy rappelle toutefois qu’un magistrat « n’était pas tenu de répondre à tous les arguments des parties » pour satisfaire aux exigences légales. Elle juge que le tribunal a suffisamment motivé sa décision en écartant le moyen relatif à l’insuffisance de l’acte administratif sans entrer dans chaque détail. Cette position s’inscrit dans la jurisprudence constante limitant l’obligation de réponse du juge aux seuls moyens et non aux simples arguments de fait.
B. Le caractère inhérent de la restriction de liberté à la mesure
L’intérêt majeur de la décision réside dans l’analyse de la nature même de l’assignation à résidence au regard de la liberté d’aller et de venir. La juridiction d’appel précise que le premier juge n’avait pas à mentionner spécifiquement la nécessité de restreindre cette liberté fondamentale dans son jugement. Les magistrats considèrent en effet qu’une « telle restriction étant au demeurant consubstantielle à cette mesure » de police administrative prise par l’autorité préfectorale. L’assignation à résidence emporte nécessairement une limitation spatiale dont la justification est intrinsèque à l’objectif de garantie de l’exécution d’un transfert souverain. La cour administrative d’appel de Nancy valide donc une motivation simplifiée qui se concentre sur les éléments essentiels de la légalité de la mesure contestée.