L’arrêt rendu par la Cour administrative d’appel de Nancy le 27 mai 2025 précise l’étendue des obligations d’instruction incombant à l’autorité préfectorale. Un ressortissant algérien a sollicité son admission au séjour en invoquant simultanément les articles 4 et 6 de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968. L’administration a opposé un refus en examinant uniquement sa situation au regard de la vie privée et familiale sans mentionner le regroupement familial. Le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d’annulation par un jugement du 27 juin 2024 avant que l’intéressé n’interjette appel. Le requérant soutient que l’autorité préfectorale a entaché sa décision d’un défaut d’examen réel en omettant de se prononcer sur tous les fondements. La juridiction doit déterminer si l’omission d’un des motifs juridiques invoqués par le pétitionnaire entache d’illégalité la décision portant refus de délivrance d’un titre. La Cour répond par l’affirmative et annule l’acte administratif car l’autorité ne s’est pas prononcée sur l’un des fondements de la demande formulée. La caractérisation du défaut d’examen de la situation individuelle précède ainsi l’analyse de la portée de l’annulation prononcée pour vice de procédure.
I. La caractérisation du défaut d’examen de la situation individuelle
A. L’identification d’une omission factuelle et juridique
L’autorité administrative a l’obligation d’instruire chaque demande de titre de séjour en tenant compte de l’ensemble des éléments de droit et de fait. En l’espèce, le requérant avait sollicité la délivrance d’un titre sur le fondement de l’article 4 et de l’article 6 de l’accord franco-algérien. La Cour relève que la décision attaquée a considéré que le demandeur ne remplissait pas les conditions pour obtenir un titre de séjour. Le juge note toutefois que l’administration a agi « sans statuer sur la demande qu’il avait formulée sur le fondement de l’article 4 ». Cette lacune constitue le cœur de l’irrégularité relevée par les magistrats de Nancy pour censurer la position prise par le représentant de l’État. L’absence de mention de cet article dans les visas de l’arrêté confirme d’ailleurs l’absence de prise en compte réelle de la demande.
B. La sanction de l’absence de réponse exhaustive à la demande
La validité d’une décision de refus de séjour suppose que l’administration ait épuisé sa compétence en répondant à toutes les prétentions du ressortissant étranger. La Cour administrative d’appel souligne que le préfet ne s’est pas prononcé sur l’un des fondements pourtant clairement identifié dans le courrier initial. En conséquence, le juge d’appel affirme que « le requérant est fondé à soutenir que la préfète […] a entaché sa décision d’un défaut d’examen ». Ce vice de procédure révèle une méconnaissance manifeste des principes régissant l’instruction des dossiers administratifs relatifs au droit des étrangers résidant en France. L’autorité doit examiner chaque motif de séjour invoqué afin de garantir le respect des droits conférés par les traités internationaux et les accords. La reconnaissance de ce vice de procédure par la juridiction d’appel détermine alors les conséquences juridiques de l’invalidation de l’acte administratif attaqué.
II. La portée de l’annulation pour vice de procédure
A. L’exigence de pleine efficacité des stipulations de l’accord franco-algérien
L’accord franco-algérien constitue un cadre juridique spécifique qui impose des obligations strictes à l’administration lors de l’examen des demandes de titre de séjour. En omettant de statuer sur le fondement de l’article 4, le préfet prive le ressortissant de la possibilité d’obtenir un titre par regroupement familial. La solution retenue par la juridiction administrative rappelle que chaque stipulation de l’accord bilatéral doit faire l’objet d’une analyse distincte et motivée. La protection de la vie familiale ne peut effectivement se substituer à l’examen autonome des conditions prévues par les autres articles de la convention. Le juge assure ainsi une protection rigoureuse des administrés face à une instruction parfois incomplète de leurs dossiers par les services de l’État.
B. Le rétablissement de la légalité par la censure de l’acte administratif
L’annulation de l’arrêté préfectoral entraîne la disparition rétroactive de la décision de refus de séjour et de l’obligation de quitter le territoire français. La juridiction décide que « le jugement […] du 27 juin 2024 du tribunal administratif de Strasbourg et l’arrêté […] du 23 janvier 2024 sont annulés ». Cette décision impose à l’administration de procéder à un nouvel examen complet de la situation de l’intéressé en intégrant les fondements initialement négligés. L’arrêt illustre le rôle essentiel du juge administratif dans le contrôle de la régularité formelle et matérielle des actes touchant à la liberté. Le respect du droit au séjour dépend directement de la qualité de l’examen préalable effectué par les services préfectoraux sous le contrôle des magistrats.