Par un arrêt en date du 27 mars 2025, la cour administrative d’appel a été amenée à se prononcer sur la légalité d’un refus de titre de séjour opposé à un ressortissant algérien. En l’espèce, un individu de nationalité algérienne, entré irrégulièrement sur le territoire français en 2017, avait sollicité la délivrance d’un titre de séjour. Cette demande se fondait notamment sur son mariage avec une ressortissante française et sur ses attaches privées et familiales en France. L’autorité préfectorale a rejeté sa demande par un arrêté du 4 août 2022, assortissant cette décision d’une obligation de quitter le territoire français. Le requérant a alors saisi le tribunal administratif de Strasbourg, qui a rejeté sa requête par un jugement du 31 janvier 2023. L’intéressé a interjeté appel de ce jugement, soutenant que le refus de séjour portait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par les conventions internationales. Se posait ainsi la question de savoir si le mariage récent d’un ressortissant algérien en situation irrégulière avec une citoyenne française suffisait à caractériser une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale, justifiant l’annulation du refus de séjour. La cour administrative d’appel rejette la requête, confirmant la décision des premiers juges. Elle juge que l’accord franco-algérien régit de manière exclusive la situation des ressortissants algériens et que, au regard des éléments du dossier, la décision préfectorale ne constitue pas une ingérence excessive dans le droit de l’intéressé au respect de sa vie privée et familiale.
La solution retenue par la cour administrative d’appel confirme avec rigueur le caractère exclusif de l’accord franco-algérien pour régir le droit au séjour des nationaux de cet État (I). Elle procède ensuite à une application classique et mesurée du contrôle de l’atteinte portée à la vie privée et familiale (II).
I. La réaffirmation du caractère exclusif de l’accord franco-algérien
L’arrêt rappelle sans équivoque que le droit au séjour des ressortissants algériens est entièrement déterminé par l’accord bilatéral de 1968, ce qui conduit à écarter l’application du droit commun des étrangers (A) et valide l’examen de la situation du requérant opéré par l’administration au seul prisme de cet accord (B).
A. L’éviction principielle du droit commun du séjour
La cour administrative d’appel souligne la spécificité du régime applicable aux citoyens algériens en matière de séjour. Elle énonce clairement qu’un ressortissant algérien « ne peut utilement invoquer les dispositions des articles L. 423-1, 423-23 et L. 435-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile à l’appui d’une demande d’admission au séjour sur le territoire national ». Cette affirmation n’est pas nouvelle et s’inscrit dans une jurisprudence constante qui confère à l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 un caractère complet et exclusif. En conséquence, les dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), même lorsqu’elles paraissent plus favorables ou plus adaptées à la situation personnelle du demandeur, sont inopérantes. Le juge administratif se refuse ainsi à examiner les moyens fondés sur des articles du CESEDA relatifs aux liens privés et familiaux ou à l’admission exceptionnelle au séjour. Cette position rigoriste garantit la primauté du traité international sur la loi interne postérieure et assure une application uniforme de l’accord sur l’ensemble du territoire.
B. La validation de l’examen mené au regard des stipulations conventionnelles
Le requérant soutenait que sa situation personnelle n’avait pas fait l’objet d’un examen particulier de la part des services préfectoraux. La cour rejette ce moyen en constatant que l’administration a bien analysé le droit au séjour de l’intéressé, non pas au regard des dispositions du CESEDA invoquées à tort, mais sur le fondement pertinent de l’accord franco-algérien. En effet, la cour relève que « la préfète a analysé son droit au séjour au regard des exigences des stipulations du 2) et du 5) de l’article 6 de l’accord franco-algérien et plus généralement au regard de ses liens privés et familiaux avec la France ». Ce faisant, le juge valide la méthode de l’administration, qui a correctement identifié le cadre juridique applicable avant de procéder à l’étude concrète de la demande. Le moyen tiré du défaut d’examen est donc écarté, la cour considérant que l’examen a bien eu lieu, dans le respect du droit conventionnel spécifiquement applicable. La décision illustre ainsi que l’obligation d’examen particulier n’impose pas à l’administration de répondre à des arguments juridiques inopérants, mais d’apprécier la situation de fait au regard des seules règles de droit pertinentes.
Après avoir ainsi délimité le cadre juridique applicable à la situation du requérant, la cour s’attache à contrôler l’appréciation des faits à laquelle s’est livrée l’administration pour refuser le titre de séjour sollicité.
II. L’appréciation contrôlée de l’atteinte à la vie privée et familiale
Le juge administratif effectue un bilan des intérêts en présence pour déterminer si l’atteinte à la vie privée et familiale du requérant est proportionnée (A), ce qui le conduit à confirmer l’absence d’erreur manifeste d’appréciation de l’autorité préfectorale (B).
A. La mise en balance classique des intérêts
L’essentiel de l’argumentation du requérant reposait sur la violation de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article 6, alinéa 5, de l’accord franco-algérien. Pour répondre à ce moyen, la cour procède à une mise en balance concrète des éléments du dossier. D’un côté, elle prend en compte la vie privée et familiale de l’intéressé en France, mais en relativise la portée. Elle note ainsi que le mariage, bien que juridiquement établi, était « récent au jour de la décision litigieuse » et que « l’intensité des liens qu’il indique entretenir avec les enfants de son épouse n’est pas établie ». D’un autre côté, le juge retient plusieurs éléments à charge : l’irrégularité de l’entrée et du séjour depuis 2017, l’existence d’une précédente mesure d’éloignement, et le maintien de liens familiaux dans le pays d’origine où « résident ses parents ainsi que trois de ses frères et sœurs ». Ce bilan factuel conduit la cour à conclure que la décision préfectorale n’a pas porté au droit de l’intéressé une atteinte « disproportionnée par rapport au but en vue duquel cette décision a été prise ». L’analyse se révèle ainsi très factuelle et fidèle à la méthode du contrôle de proportionnalité.
B. La confirmation de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation
En dernier lieu, l’arrêt examine si la préfète, en refusant d’user de son pouvoir de régularisation, a commis une erreur manifeste d’appréciation. La cour écarte ce moyen « pour les mêmes motifs » que ceux exposés lors du contrôle de proportionnalité. Cette approche démontre que, dans ce type de contentieux, le contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation se confond en grande partie avec celui de la proportionnalité de l’atteinte aux droits fondamentaux. En l’absence d’une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale, et au vu de la situation administrative précaire du requérant, le juge estime que la décision de l’administration ne revêt pas un caractère d’évidence erroné. Le pouvoir discrétionnaire de l’administration en matière de régularisation est ainsi préservé. Cette décision s’inscrit dans une jurisprudence bien établie qui réserve la censure pour erreur manifeste aux cas où la décision administrative apparaît clairement illogique ou inadaptée au regard des faits de l’espèce, ce qui n’a pas été jugé être le cas ici. La solution, par sa motivation mesurée et sa méthode classique, confirme qu’elle constitue une décision d’espèce, dont la portée se limite à l’application de principes jurisprudentiels constants.