Cour d’appel administrative de Nancy, le 28 janvier 2025, n°23NC01536

La Cour administrative d’appel de Nancy a rendu, le 28 janvier 2025, une décision relative au renouvellement d’un titre de séjour. Un ressortissant étranger, entré sur le territoire national sous couvert de la minorité, a sollicité le renouvellement de sa carte temporaire. L’autorité préfectorale a opposé un refus à cette demande par un arrêté daté du 29 mars 2022. L’administration a fondé sa position sur le caractère frauduleux des documents d’état civil initialement produits par l’intéressé. Saisi du litige, le tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande d’annulation de cet acte par un jugement du 7 juillet 2022. Le requérant soutient que la possession d’un passeport authentique suffit désormais à justifier de son identité et de sa nationalité. Le juge d’appel doit déterminer si l’authenticité d’un passeport étranger couvre les irrégularités des actes d’état civil ayant permis son obtention. La juridiction administrative confirme le rejet de la requête en soulignant l’autonomie de l’appréciation des documents d’état civil. Le contrôle rigoureux de l’identité du demandeur justifie l’inefficacité probatoire d’un document authentique issu d’une fraude.

I. Un contrôle de l’identité du demandeur renforcé par l’exigence de documents probants

A. L’opposabilité des obligations d’identification lors du renouvellement du titre

L’article R. 431-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile impose la production de documents d’état civil. Cette exigence s’applique « ainsi qu’il résulte de leurs termes mêmes » aux demandes de renouvellement des titres de séjour. Le requérant contestait l’opposabilité de cette vérification lors d’une simple prolongation de son droit au séjour sur le territoire national. La Cour écarte ce moyen en rappelant que l’administration conserve le pouvoir de contrôler l’identité à chaque étape de la procédure. Cette solution garantit la fiabilité des informations détenues par l’autorité préfectorale tout au long du parcours administratif de l’étranger. L’administration peut donc exiger de nouveau les justificatifs de nationalité et d’identité lors du dépôt d’un dossier de renouvellement.

B. Le renversement de la présomption de validité des actes d’état civil étrangers

L’article 47 du code civil pose une présomption de validité des actes établis par une autorité étrangère selon les formes locales. Cette force probante peut toutefois être combattue si des éléments établissent que « cet acte est irrégulier, falsifié ou inexact ». En l’espèce, les rapports de la police aux frontières ont mis en évidence de nombreuses anomalies sur les documents produits. Le certificat de nationalité comportait une imitation de numéro de série et le support de l’acte de naissance n’était pas sécurisé. L’intéressé a d’ailleurs admis avoir versé une somme d’argent pour obtenir ces pièces d’identité auprès des autorités de son pays. La fraude ainsi caractérisée renverse la présomption légale et permet au préfet de rejeter la force probante des actes présentés.

II. L’inefficacité d’un titre authentique obtenu par une manœuvre frauduleuse

A. L’insuffisance du passeport pour pallier le vice des actes d’état civil originaires

Le requérant se prévalait de la possession d’un passeport dont l’authenticité n’était pas formellement contestée par les services de l’Etat. La Cour administrative d’appel précise que le juge doit former sa conviction au vu de « l’ensemble des éléments produits par les parties ». Si le document permet d’établir la nationalité, il ne suffit pas nécessairement à établir l’état civil de son titulaire. L’aveu de l’usage de documents frauduleux pour obtenir ce passeport prive ce dernier de sa portée identificatrice habituelle devant l’administration. Le juge refuse d’attribuer une force probante particulière à un titre de voyage dont la base documentaire est viciée par une tromperie. La distinction entre le titre authentique et la réalité de l’état civil sous-jacent constitue le cœur du raisonnement juridique.

B. La prévalence de la légalité administrative sur l’insertion personnelle de l’étranger

Le refus de séjour est également contesté au regard du droit au respect de la vie privée et familiale garanti par la Convention européenne. La Cour relève que l’intéressé est célibataire, sans charge de famille et qu’il a vécu la majeure partie de sa vie à l’étranger. Les efforts d’intégration professionnelle dans le domaine de la boulangerie ne suffisent pas à compenser l’absence de liens personnels stables et intenses. La solution retenue par les magistrats nancéiens témoigne d’une volonté de sanctionner la fraude documentaire malgré une insertion sociale apparente. La décision administrative ne porte pas une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis en l’absence de circonstances humanitaires ou de motifs exceptionnels. L’obligation de quitter le territoire français demeure donc légale face à une identité qui reste juridiquement incertaine.

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Hassan KOHEN
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