Cour d’appel administrative de Nancy, le 28 janvier 2025, n°24NC01491

La Cour administrative d’appel de Nancy a rendu, le 28 janvier 2025, un arrêt relatif à la légalité d’une obligation de quitter le territoire français. Un ressortissant géorgien, entré en France en 2021, a vu ses demandes de protection internationale rejetées par les autorités administratives et juridictionnelles. L’administration a alors pris à son encontre un arrêté portant éloignement et interdiction de retour pour une durée d’un an. Le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d’annulation de ces mesures par un jugement rendu le 6 mai 2024. Le requérant soutient notamment que l’administration n’a pas procédé à la vérification préalable de son droit au séjour imposée par les textes récents. La question posée concerne l’étendue de l’obligation de vérification issue de la loi du 26 janvier 2024 et la nature du titre de séjour sanitaire. La juridiction rejette la requête en précisant que le défaut de vérification constitue un vice de procédure distinct du défaut de motivation. L’étude de cet arrêt portera sur le régime procédural de l’obligation d’éloignement (I), puis sur l’appréciation de la situation personnelle du requérant (II).

I. Le renforcement des garanties procédurales entourant la décision d’éloignement

A. La distinction opérée entre la motivation formelle et l’obligation de vérification

L’article L. 613-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoit que la mesure d’éloignement doit être motivée. La Cour administrative d’appel de Nancy précise toutefois que cette exigence de forme se distingue de l’obligation de vérifier le droit au séjour. Le juge souligne que « le défaut d’une telle vérification, qui constitue une garantie pour l’étranger, est propre à entacher cette décision d’un vice de procédure ». Cette distinction permet de rejeter le moyen tiré de l’insuffisance de motivation lorsque le requérant invoque en réalité une irrégularité de procédure. L’administration doit donc vérifier les informations en sa possession sans que cela n’influe nécessairement sur la structure formelle de l’acte administratif. Cette solution assure une séparation claire entre la validité externe de la décision et le respect des garanties procédurales préalables.

B. Le refus de reconnaître un droit au séjour de plein droit au titre de la santé

Le requérant invoquait son état de santé pour contester l’obligation de quitter le territoire français en se fondant sur l’article L. 425-9 du code. La juridiction d’appel rappelle qu’un étranger ne peut être éloigné si la loi prescrit qu’il doit recevoir de plein droit un titre de séjour. Cependant, les juges estiment que « ce texte ne prescrit pas la délivrance de plein droit de ce titre de séjour » pour la catégorie mentionnée. L’absence d’examen spontané de ce titre par l’autorité administrative ne constitue donc pas une méconnaissance des dispositions relatives à l’éloignement forcé. Cette interprétation limite l’obligation de vérification systématique aux seuls titres dont la délivrance est automatique selon les termes de la loi. Le raisonnement juridique s’appuie ici sur une lecture littérale et restrictive des catégories de titres de séjour protégés contre l’éloignement.

II. L’encadrement du contrôle de fond sur les risques et l’insertion

A. Une application rigoureuse des critères de protection contre les traitements inhumains

La décision fixe le pays de destination vers lequel le ressortissant étranger pourra être reconduit d’office à l’expiration du délai de départ volontaire. Le requérant invoquait un risque de traitement contraire à l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. La Cour administrative d’appel de Nancy souligne que « ces cas très exceptionnels correspondent à un seuil élevé pour l’application » des stipulations internationales précitées. Les magistrats constatent que l’affection dont souffre l’intéressé ne l’expose pas à un risque de déclin grave, rapide et irréversible de son état. L’absence de disponibilité immédiate d’un traitement spécifique dans le pays d’origine ne suffit pas à caractériser une violation du droit à la vie. La solution s’inscrit dans une jurisprudence constante exigeant la preuve d’un péril imminent pour faire obstacle à l’exécution d’une mesure d’éloignement.

B. La validation d’une interdiction de retour fondée sur l’absence de circonstances humanitaires

L’acte administratif comportait également une interdiction de retour sur le territoire français dont la durée était fixée à une année civile par l’administration. La juridiction valide cette mesure en relevant qu’elle atteste de la prise en compte de l’ensemble des critères légaux prévus pour son édiction. Les juges considèrent qu’une telle interdiction « ne porte pas au droit de l’intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée ». L’absence de menace à l’ordre public ou de précédente mesure d’éloignement n’interdit pas de prononcer une interdiction de retour selon les circonstances. Le requérant conserve des attaches familiales dans son pays d’origine et ne justifie pas de conditions d’existence particulièrement stables sur le territoire français. La mesure de police est jugée légale au regard des objectifs de contrôle des flux migratoires poursuivis par l’autorité administrative compétente.

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Hassan KOHEN
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