Par un arrêt rendu le 28 mai 2025, la Cour administrative d’appel de Nancy précise les conditions d’exercice du droit d’être entendu avant un éloignement. Une ressortissante étrangère voit sa demande d’asile définitivement rejetée en octobre 2022 avant de solliciter un rendez-vous en préfecture pour raison de santé. L’autorité administrative l’oblige pourtant à quitter le territoire national avant la date convenue pour le dépôt de ses pièces justificatives médicales. Le tribunal administratif de Nancy prononce l’annulation de cet arrêté par un jugement du 21 février 2023 dont le représentant de l’État fait appel. Le litige porte sur la méconnaissance du droit de la personne de faire connaître utilement son point de vue sur l’irrégularité de son séjour. Le juge d’appel doit déterminer si l’édiction d’une mesure d’éloignement entre la prise de rendez-vous et sa tenue viole les droits de la défense. La Cour rejette la requête préfectorale en confirmant que les éléments médicaux auraient pu influer sur le sens de la décision initiale.
I. La consécration du droit d’être entendu comme garantie procédurale fondamentale
Le droit d’être entendu constitue un principe général du droit de l’Union européenne s’imposant aux administrations nationales lors de procédures d’éloignement. La Cour rappelle que ce droit se définit comme celui de toute personne de « faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue ». Cette prérogative permet au ressortissant de présenter les motifs susceptibles de justifier que l’autorité s’abstienne de prendre une décision de retour. L’administration n’a toutefois pas l’obligation de solliciter des observations spécifiques sur l’éloignement si l’intéressé a déjà pu s’exprimer sur son séjour.
L’exercice de ce droit suppose que l’étranger soit mis en situation de présenter ses arguments de façon concrète devant les services préfectoraux compétents. La jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne précise que le respect des droits de la défense pèse sur les États membres. Toute irrégularité dans ce cadre n’entraîne pas systématiquement l’illégalité de la décision mais nécessite une analyse de l’influence potentielle sur le résultat. Le juge vérifie si la violation a effectivement privé l’intéressé de la possibilité de mieux faire valoir sa défense lors de la procédure.
II. L’exigence d’une appréciation effective des éléments de santé du ressortissant
La requérante pouvait légitimement penser ne pas avoir à adresser de documents préalablement au rendez-vous fixé par les services de la préfecture. La convocation mentionnait expressément la nécessité de se présenter avec tous les éléments au soutien de sa demande de titre de séjour. L’administration a rompu cette attente légitime en édictant une mesure d’éloignement quelques semaines seulement avant la date prévue pour l’entretien. Un tel calendrier prive l’étranger de la possibilité d’exposer sa situation médicale particulière avant que le préfet ne statue sur son sort.
La production ultérieure d’un certificat médical mentionnant un suivi psychiatrique régulier démontre l’existence d’éléments pertinents qui auraient pu modifier le sens de l’arrêté. Ces informations relatives à l’état de santé et aux traitements suivis constituent des circonstances de fait spécifiques susceptibles d’influer sur la décision. La Cour administrative d’appel de Nancy confirme ainsi que l’autorité administrative a méconnu le droit d’être entendu en agissant avec une précipitation injustifiée. Cette solution renforce la protection des administrés contre les décisions prises sans un examen complet et contradictoire des situations individuelles les plus fragiles.