Cour d’appel administrative de Nancy, le 30 avril 2025, n°24NC00047

Par un arrêt rendu le 30 avril 2025, la Cour administrative d’appel de Nancy s’est prononcée sur la légalité d’une décision portant obligation de quitter le territoire français. Une ressortissante étrangère est entrée sur le sol national en octobre 2018 pour y solliciter l’asile avec son enfant mineur. L’Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande en août 2019, décision confirmée ultérieurement par la Cour nationale du droit d’asile. Après un refus de titre de séjour opposé en septembre 2021, l’autorité préfectorale a édicté une nouvelle mesure d’éloignement en octobre 2023.

Le tribunal administratif de Strasbourg a prononcé l’annulation de cet arrêté par un jugement du 14 décembre 2023. La représentante de l’État dans le département a alors saisi la juridiction d’appel afin d’obtenir l’infirmation de cette première décision contentieuse. Elle soutenait que l’erreur de base légale initiale pouvait être neutralisée sans affecter la validité de l’acte administratif contesté. L’intimée invoquait pour sa part une méconnaissance de son droit d’être entendue ainsi qu’une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale.

La question posée aux juges consistait à savoir si l’administration peut légalement fonder une mesure d’éloignement sur le rejet définitif de l’asile malgré une erreur matérielle. La Cour administrative d’appel de Nancy censure le raisonnement des premiers juges et valide l’arrêté préfectoral au regard des dispositions du code de l’entrée et du séjour. Elle considère que la substitution de base légale était possible dès lors que les conditions de fond du texte substitué étaient effectivement remplies.

I. La régularité de la base légale de l’obligation de quitter le territoire

A. L’articulation des fondements juridiques de la mesure d’éloignement

Le juge administratif rappelle que les différents cas d’obligation de quitter le territoire français prévus par le code de l’entrée et du séjour sont indépendants. Les dispositions législatives « ne font pas obstacle » à ce que l’autorité administrative édicte une nouvelle mesure d’éloignement après un premier refus de titre de séjour. La Cour administrative d’appel de Nancy précise que le rejet définitif de l’asile constitue un fondement autonome pour justifier légalement le départ forcé du ressortissant. Elle souligne que l’administration peut se fonder sur la circonstance que la reconnaissance de la qualité de réfugié a été définitivement refusée à l’étranger concerné. L’existence d’une décision antérieure de refus de séjour ne prive pas le préfet de sa faculté d’agir sur le fondement spécifique du rejet de l’asile.

B. La technique de neutralisation de l’erreur de base légale

L’arrêt commenté illustre la faculté pour le juge de procéder à une neutralisation d’un motif erroné lorsque la décision repose sur plusieurs fondements juridiques distincts. L’autorité préfectorale avait visé par erreur un paragraphe inadapté du code tout en invoquant simultanément le motif lié au rejet définitif de la protection internationale. Le juge d’appel observe que « si la préfète ne pouvait légalement fonder sa décision » sur le motif erroné, elle aurait pris la même décision sous le seul fondement régulier. Cette substitution permet de sauver l’acte administratif d’une annulation encourue en raison d’une simple maladresse rédactionnelle dans les visas de l’arrêté préfectoral. Le contrôle du juge porte ainsi sur la substance du droit applicable plutôt que sur la seule forme textuelle des motifs énoncés par l’autorité.

II. La validité de la procédure et l’appréciation de la situation personnelle

A. La protection effective du droit d’être entendu

La juridiction administrative rappelle que le droit d’être entendu constitue un principe général du droit de l’Union européenne intégré au respect des droits de la défense. « Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue » avant l’adoption d’une décision défavorable. En l’espèce, l’administration avait transmis à l’intéressée un formulaire de renseignements qu’elle avait pu compléter et renvoyer aux services compétents avant l’édiction de l’acte. Le juge estime que cette procédure permet de satisfaire aux exigences conventionnelles et législatives sans qu’une audition orale soit nécessairement requise par les textes. La preuve du dépôt d’observations écrites suffit à établir que la requérante a pu exprimer ses arguments de manière satisfaisante durant l’instruction.

B. Le contrôle restreint de l’atteinte à la vie privée et familiale

L’appréciation de la situation personnelle au regard des stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme relève d’un examen concret des attaches locales. Malgré une scolarisation en France et une intégration associative réelle, le juge relève que la cellule familiale peut se reconstituer intégralement dans le pays d’origine. La Cour administrative d’appel de Nancy juge que la requérante « n’est pas fondée à soutenir » que l’administration a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée. La circonstance que l’époux fasse également l’objet d’une mesure d’éloignement confirmée le même jour par la juridiction renforce la cohérence de la solution. L’intérêt supérieur de l’enfant mineur ne s’oppose pas non plus au départ forcé dès lors que la poursuite de la scolarité reste possible.

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Hassan KOHEN
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