La cour administrative d’appel de Nancy, dans son arrêt du 30 janvier 2025, précise l’étendue des obligations pesant sur l’employeur lors du licenciement d’un salarié protégé. Un agent de fabrication, membre titulaire du comité social et économique, fait l’objet d’une procédure de licenciement pour motif économique suite à un projet de suppression de postes. L’inspectrice du travail refuse l’autorisation de licencier, décision confirmée par le ministre, au motif que l’employeur n’a pas suffisamment recherché de reclassement compatible avec le handicap. Le tribunal administratif de Strasbourg rejette la demande d’annulation de ces décisions par un jugement du 28 février 2022, provoquant ainsi l’appel de la société devant la juridiction supérieure. La question de droit soulevée consiste à savoir si l’administration peut exiger l’avis du médecin du travail pour un salarié apte à son emploi lors d’un reclassement économique. La juridiction d’appel annule le jugement attaqué en considérant que l’administration a commis une erreur de droit en appliquant les règles relatives à l’inaptitude médicale au salarié. L’étude de cette décision permet d’analyser d’abord l’encadrement rigoureux de la procédure et du reclassement, avant d’aborder l’aménagement des obligations patronales face à la situation de handicap.
**I. L’encadrement rigoureux de la procédure et de l’obligation de reclassement**
**A. L’irrecevabilité des interventions syndicales dépourvues d’intérêt à agir**
La juridiction administrative rappelle d’abord les conditions de recevabilité de l’intervention volontaire devant les premiers juges en exigeant systématiquement la preuve d’un intérêt suffisant au maintien de la décision. Elle considère que deux unions syndicales ne justifient pas d’un tel intérêt, malgré la nature protégée du salarié dont le licenciement était initialement envisagé par l’employeur. Cette solution souligne que l’intérêt à intervenir doit s’apprécier au regard de l’objet statutaire des syndicats et de la portée réelle du litige individuel en cause. Bien que le tribunal administratif ait admis ces interventions par erreur, la cour administrative d’appel estime que cette irrégularité est restée sans incidence sur le sens du jugement. Cette approche privilégie une conception stricte de l’intérêt à agir des organisations collectives dans les contentieux relatifs à la rupture du contrat de travail des représentants.
**B. La distinction nécessaire entre l’aptitude physique et le reclassement économique**
L’arrêt censure ensuite l’analyse de l’autorité administrative concernant l’obligation de reclassement en relevant une confusion regrettable entre les différents régimes de protection prévus par le code du travail. L’administration avait reproché à l’employeur de ne pas avoir consulté le médecin du travail, appliquant ainsi indûment des dispositions réservées aux salariés déclarés inaptes physiquement. La cour précise que « l’autorité administrative lui a opposé les conditions des articles L. 1226-2 ou L. 1226-10 du code du travail » sans fondement juridique valable pour l’espèce. Le salarié était en effet apte à occuper son poste d’origine, ce qui excluait l’application automatique des règles contraignantes propres à l’inaptitude médicale constatée. Ce rappel fondamental restaure la hiérarchie des normes et limite l’immixtion de l’inspecteur du travail dans la gestion des candidatures internes lors d’une restructuration économique.
**II. L’aménagement des obligations patronales face au salarié handicapé**
**A. La dispense de consultation médicale pour le salarié apte à son emploi**
La cour administrative d’appel de Nancy écarte l’obligation de solliciter systématiquement la médecine du travail pour valider des postes de reclassement lorsque le salarié demeure physiquement apte. Puisque l’intéressé était considéré comme capable d’exercer ses fonctions initiales de technicien, l’employeur n’avait aucune obligation légale de requérir une expertise médicale pour chaque poste vacant. Cette position jurisprudentielle clarifie le périmètre de la recherche de reclassement en évitant d’alourdir inutilement la procédure administrative par des formalités non prévues par les textes législatifs. L’arrêt souligne que la « société n’était pas tenue de solliciter l’avis du médecin du travail sur l’aptitude du salarié à occuper les postes de reclassement auxquels il avait candidaté ». La décision protège ainsi la liberté de l’employeur dans l’appréciation des profils professionnels, sous réserve de ne pas commettre d’erreur manifeste dans l’évaluation des compétences.
**B. La reconnaissance des limites matérielles à l’adaptation des postes**
Le juge administratif apporte enfin des précisions cruciales sur l’obligation de prendre des mesures appropriées pour permettre aux travailleurs handicapés de conserver un emploi conforme à leur qualification. Si l’employeur doit rechercher des postes adaptés, cette obligation s’arrête lorsque les aménagements nécessaires conduiraient à une modification substantielle de la nature même des tâches confiées. La cour valide l’analyse de l’entreprise qui démontrait l’impossibilité technique d’aménager les postes de métrologue sans dénaturer la substance des emplois concernés par les restrictions physiques. Elle admet d’ailleurs la production d’un avis médical postérieur à la décision contestée pour confirmer des contraintes matérielles déjà existantes au moment de la recherche effectuée. Cette reconnaissance des limites de l’adaptation raisonnable offre un équilibre entre la protection du salarié handicapé et les impératifs opérationnels de l’organisation économique de la structure.