La Cour d’appel administrative de Nancy a rendu, le 30 janvier 2025, un arrêt relatif à la qualification fiscale d’une société créée de fait. Deux contribuables exerçaient séparément une activité de vente de literie sous le régime de la micro-entreprise avant de faire l’objet d’un contrôle fiscal. L’administration a considéré que les intéressés avaient constitué une société de fait pour exercer leur négoce, entraînant des rectifications en matière de taxes commerciales. Le Tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande de décharge des impositions supplémentaires par un jugement en date du 4 juillet 2022. Les requérants soutiennent devant la juridiction d’appel que les conditions légales d’existence d’une telle société ne sont pas réunies dans le dossier fiscal. La Cour doit déterminer si la réunion matérielle de moyens d’exploitation suffit à caractériser une société de fait malgré une relaxe au plan pénal. Elle confirme la position des premiers juges en validant la méthode de preuve utilisée par le service pour établir l’existence du groupement non déclaré.
I. La démonstration probante des éléments constitutifs de la société de fait
A. L’identification d’une exploitation matérielle commune
La Cour d’appel administrative de Nancy rappelle que « l’existence d’une société de fait pour l’exploitation d’une entreprise résulte tant des apports que de la participation ». Les juges relèvent que les intéressés utilisaient les mêmes surfaces de vente et stockaient leur matériel dans un entrepôt appartenant à une société civile commune. La gestion quotidienne était caractérisée par une confusion des facturations ainsi qu’une utilisation indistincte des chèques de clients pour régler les fournisseurs de literie. L’administration apporte ainsi la preuve d’une participation effective à la direction de l’affaire par les deux personnes physiques concernées par les redressements litigieux.
B. La constatation d’une participation aux résultats de l’entreprise
Les magistrats observent que les parties mettaient en commun leur travail et leurs compétences techniques respectives pour assurer le succès de leur activité commerciale. Le service a démontré que les bénéfices étaient répartis de manière proportionnelle entre les associés, oscillant entre soixante et trente-cinq pour cent selon les années. Les requérants ne produisent aucun élément probant pour justifier l’existence de stocks ou de modes de distribution distincts pour leurs entreprises individuelles respectives. L’absence de compte bancaire professionnel commun ou de convention écrite ne suffit pas à écarter la réalité d’une gestion partagée des profits réalisés.
II. L’affirmation de l’indépendance de la qualification fiscale
A. L’absence d’autorité de la chose jugée par le juge répressif
Les contribuables invoquaient un jugement du Tribunal correctionnel de Vesoul du 23 juillet 2019 ayant écarté la fraude fiscale faute d’intention de s’associer. Cependant, la Cour précise que « cette qualification ne lie ni l’administration ni le juge de l’impôt » concernant la reconnaissance d’une société de fait imposable. Le juge administratif conserve son entière liberté d’appréciation pour définir l’assiette des contributions directes et de la taxe sur la valeur ajoutée collectée. L’autonomie du droit fiscal permet de sanctionner l’existence d’un groupement économique de fait indépendamment des poursuites pénales engagées contre les auteurs des faits.
B. La validation de la procédure de taxation et des pénalités
La juridiction d’appel confirme la régularité des pénalités de quarante pour cent pour manquement délibéré appliquées par l’administration aux rappels de droits initialement contestés. Les propositions de rectification ont été régulièrement notifiées aux intéressés plus de trente jours avant la mise en recouvrement des sommes réclamées par le service. L’administration a respecté ses obligations d’information en motivant précisément les sanctions envisagées et en offrant aux redevables la possibilité de présenter leurs propres observations. Le rejet de la requête confirme l’assujettissement des associés à l’impôt sur le revenu à raison de leur part réelle dans les bénéfices sociaux reconstitués.