Cour d’appel administrative de Nancy, le 30 janvier 2025, n°24NC00798

Par un arrêt en date du 30 janvier 2025, la cour administrative d’appel a été amenée à se prononcer sur les conditions d’octroi d’un titre de séjour pour un étranger dont l’état de santé requiert une prise en charge médicale spécifique. En l’espèce, une ressortissante camerounaise, entrée régulièrement en France mais qui s’y est maintenue au-delà de la durée de validité de son visa, a sollicité son admission au séjour en raison d’une pathologie grave. Le préfet a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire et a prononcé une interdiction de retour, décisions qui ont été confirmées en première instance par le tribunal administratif. La requérante a alors interjeté appel, arguant que l’indisponibilité de son traitement spécifique dans son pays d’origine et l’intensité de ses liens privés et familiaux en France devaient conduire à l’annulation de la décision préfectorale. Se posait ainsi la question de savoir si l’existence d’alternatives thérapeutiques, à défaut du traitement précis suivi en France, suffisait à caractériser la possibilité pour un étranger de bénéficier effectivement d’un traitement approprié dans son pays d’origine, au sens de l’article L. 425-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. La cour administrative d’appel rejette la requête, considérant d’une part que la disponibilité de traitements d’efficacité équivalente suffit à remplir la condition légale, et d’autre part que les attaches de l’intéressée en France ne sont pas d’une intensité telle que la décision porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.

La décision commentée s’inscrit dans une approche rigoureuse de l’appréciation des conditions de séjour pour raisons médicales, en précisant la notion de traitement approprié (I), tout en appliquant une lecture classique et restrictive des liens personnels et familiaux justifiant une protection au titre de la vie privée (II).

I. L’interprétation stricte de la notion de traitement approprié

La cour administrative d’appel confirme une lecture pragmatique des dispositions relatives au séjour des étrangers malades, en validant le standard de preuve attendu (A) et en refusant de considérer que l’accès à un traitement approprié équivaut à l’accès à un traitement identique (B).

A. La confirmation du standard de la preuve en matière de séjour pour raisons de santé

L’arrêt rappelle avec clarté le cadre juridique de l’admission au séjour pour un étranger malade, fondé sur l’article L. 425-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Ce dispositif impose la réunion de deux conditions cumulatives : un état de santé dont le défaut de prise en charge pourrait entraîner des conséquences d’une exceptionnelle gravité, et l’impossibilité de « bénéficier effectivement d’un traitement approprié » dans le pays d’origine. La cour réitère également la mécanique probatoire applicable, où un avis favorable du collège de médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) établit une présomption simple en faveur du demandeur. En l’espèce, l’avis médical reconnaissait la gravité de la pathologie mais concluait à la disponibilité d’un traitement au pays d’origine. Conformément à la jurisprudence, il incombait donc à la requérante de renverser cette seconde conclusion en apportant des éléments probants contraires, ce qu’elle n’a pas réussi à faire.

B. Le refus d’assimiler traitement approprié et traitement identique

Le principal apport de cet arrêt réside dans la clarification de ce que recouvre la notion de « traitement approprié ». La requérante se prévalait de l’indisponibilité au Cameroun de sa trithérapie spécifique. La cour écarte cet argument en se fondant sur une analyse détaillée produite par l’administration, qui atteste que si « effectivement le traitement actuel (…) n’est pas disponible », « d’autres alternatives thérapeutiques d’efficacité équivalente sont référencées ». La juridiction relève en outre que les substances actives du médicament sont présentes dans d’autres antirétroviraux disponibles localement. Ce faisant, elle établit qu’un traitement est considéré comme approprié dès lors que des solutions médicales équivalentes et accessibles existent dans le pays de renvoi, sans qu’il soit nécessaire que le protocole de soins soit rigoureusement identique à celui dispensé en France. Cette solution pragmatique prévient le risque de rendre le dispositif inapplicable dans de nombreux cas, tout en recentrant le débat sur l’effectivité de l’accès aux soins plutôt que sur la stricte similarité des molécules.

Le rejet du moyen tiré de la méconnaissance des dispositions sanitaires conduit la cour à examiner, de manière tout aussi rigoureuse, l’atteinte alléguée au droit au respect de la vie privée et familiale de la requérante.

II. L’appréciation traditionnelle du droit au respect de la vie privée et familiale

La cour procède à un examen factuel des attaches de l’intéressée en France, qui la conduit à écarter le moyen tiré de la violation de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, en marginalisant des liens personnels récents (A) pour faire prévaloir la faiblesse de l’ancrage territorial sur le long terme (B).

A. La neutralisation des liens personnels récemment établis

L’un des éléments soulevés par la requérante était la conclusion d’un pacte civil de solidarité (PACS) avec un ressortissant français. La cour écarte cet argument en soulignant la chronologie des faits, relevant que l’union a été scellée « quinze jours après son arrivée en France et moins de deux ans avant que ne soit édicté l’arrêté en litige ». Cette formulation met en exergue la suspicion qui pèse sur les liens constitués peu de temps après l’entrée sur le territoire, surtout lorsque la situation administrative de l’étranger est précaire. La juridiction renforce sa position en s’appuyant sur des éléments factuels postérieurs, notamment un constat de gendarmerie actant la cessation de la vie commune, ce qui achève de priver le PACS de toute portée dans l’appréciation de l’intensité des liens privés.

B. La prévalence des attaches dans le pays d’origine en cas de séjour de courte durée

La cour applique ensuite le traditionnel bilan entre la gravité de l’ingérence dans la vie privée de l’intéressée et les objectifs d’ordre public poursuivis par la mesure d’éloignement. Elle constate que la requérante, âgée de cinquante-trois ans, « résidait en France depuis moins de deux années » et n’établit pas y avoir transféré le centre de ses intérêts, alors qu’elle a vécu « l’essentiel de son existence » au Cameroun où elle a conservé des attaches. Les autres preuves d’intégration, qualifiées d' »attestations peu circonstanciées », sont jugées insuffisantes pour renverser cette conclusion. Cet arrêt réaffirme ainsi une jurisprudence constante selon laquelle, en l’absence d’une durée de séjour significative ou de liens familiaux particulièrement forts et anciens en France, le juge administratif considère que le refus de séjour ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale.

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Hassan KOHEN
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