Cour d’appel administrative de Nancy, le 30 juin 2025, n°23NC02492

La cour administrative d’appel de Nancy a rendu, le 30 juin 2025, un arrêt relatif au droit au séjour d’un ressortissant de l’Union européenne. Un citoyen de nationalité allemande a fait l’objet d’une mesure d’éloignement prise par l’administration en raison d’un comportement jugé contraire à l’ordre public. L’intéressé exerçait la profession de professeur des écoles avant d’entreprendre des démarches pour suivre une formation spécifique afin d’enseigner dans un État frontalier. Le tribunal administratif de Strasbourg a partiellement rejeté sa demande d’annulation par un jugement rendu le 17 mai 2023 en confirmant la légalité de l’expulsion. Le litige porte sur l’interprétation des conditions de séjour des citoyens européens ainsi que sur la matérialité de la menace pesant sur la sécurité nationale. La cour annule le jugement attaqué en considérant que la situation de l’appelant ne justifiait pas une mesure d’éloignement sur le fondement de l’ordre public. L’analyse de cette décision impose d’étudier l’appréciation restrictive de la menace à l’ordre public avant d’aborder la consécration du maintien du droit au séjour.

**I. Une appréciation exigeante de la menace à l’ordre public**

**A. L’insuffisance probatoire d’une mention isolée au traitement d’antécédents** La cour considère que la mention d’une garde à vue pour des messages malveillants ne constitue pas une base factuelle suffisante pour prononcer une expulsion. En effet, le juge précise que cette seule circonstance « ne suffit pas, en l’espèce, à caractériser une menace réelle » envers un intérêt fondamental de la société. Cette solution souligne l’importance d’une analyse concrète du comportement personnel de l’étranger par rapport à la gravité des faits reprochés par l’autorité administrative.

**B. L’exigence de gravité de l’atteinte à un intérêt fondamental de la société** Le droit européen impose que les restrictions à la liberté de circulation soient proportionnées et fondées exclusivement sur le comportement actuel de la personne. La juridiction administrative vérifie si les faits constituent une menace « actuelle et suffisamment grave » afin d’écarter toute mesure d’éloignement fondée sur des motifs discriminatoires. Le constat d’une menace purement hypothétique entraîne l’illégalité de la décision attaquée, garantissant ainsi une protection effective des droits conférés par la citoyenneté européenne.

Le caractère infondé du motif tiré de l’ordre public conduit la cour à examiner la réalité du droit au séjour de l’intéressé.

**II. La reconnaissance du maintien du droit au séjour par la formation**

**A. La qualification de la formation professionnelle liée à l’activité antérieure** L’arrêt reconnaît que l’exercice d’une activité salariée pendant dix-sept mois permet au citoyen européen de conserver son droit au séjour sous certaines conditions spécifiques. L’appelant a démontré avoir engagé des démarches pour suivre une formation « devant être en lien avec l’activité professionnelle antérieure » conformément aux dispositions réglementaires. La cour valide ce projet de reconversion professionnelle car il s’inscrit dans la continuité du parcours de l’intéressé malgré la fin de son contrat initial.

**B. La préservation de la qualité de travailleur salarié européen** L’application du code de l’entrée et du séjour des étrangers permet de protéger les travailleurs involontairement privés d’emploi lorsqu’ils entreprennent une formation utile. Les juges estiment que l’administration ne pouvait légalement affirmer que le requérant était devenu une charge déraisonnable pour le système national d’assistance sociale française. L’annulation des décisions préfectorales consacre ainsi une lecture libérale des directives européennes favorisant la mobilité des travailleurs au sein de l’espace de liberté communautaire.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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