Par un arrêt en date du 30 juin 2025, une cour administrative d’appel a confirmé le rejet de la demande d’une ressortissante étrangère visant à annuler un arrêté préfectoral. Cette décision administrative refusait de lui délivrer un titre de séjour, l’obligeait à quitter le territoire français et fixait son pays de destination. L’intéressée, de nationalité arménienne, était entrée en France en 2017 et y résidait depuis avec sa famille, après le rejet de sa demande d’asile. Saisi une première fois, le tribunal administratif de Strasbourg avait validé la décision du préfet. La requérante a donc interjeté appel de ce jugement, soutenant que l’arrêté méconnaissait son droit au respect de sa vie privée et familiale, l’intérêt supérieur de ses enfants, et qu’il était entaché d’une erreur manifeste d’appréciation au regard de sa situation. Il revenait ainsi au juge d’appel de déterminer si le refus d’autoriser le séjour, au vu des liens personnels et familiaux développés en France depuis plusieurs années, portait une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l’intéressée et si sa situation justifiait une admission au séjour pour des motifs humanitaires ou exceptionnels. La cour administrative d’appel rejette la requête, considérant que la décision préfectorale n’est entachée d’aucune illégalité. Elle estime que l’atteinte portée à la vie privée et familiale de la requérante n’est pas disproportionnée et que les circonstances invoquées ne sauraient constituer des motifs exceptionnels justifiant sa régularisation.
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I. La confirmation de l’appréciation souveraine de l’autorité préfectorale
La décision de la cour administrative d’appel s’inscrit dans une logique de validation du pouvoir d’appréciation de l’administration en matière de police des étrangers. Elle applique de manière rigoureuse les critères légaux et conventionnels relatifs au droit au séjour, tant au regard du droit au respect de la vie privée et familiale (A) que des conditions d’une admission exceptionnelle au séjour (B).
A. Un contrôle conventionnel de l’atteinte à la vie privée et familiale
La cour examine en premier lieu les moyens fondés sur l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et sur l’article L. 423-23 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. En se référant explicitement aux motifs des premiers juges pour écarter ces griefs, elle confirme que la simple durée de présence sur le territoire ou l’existence de liens familiaux ne suffisent pas, en soi, à caractériser une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale. La juridiction d’appel valide ainsi la mise en balance effectuée par le préfet, puis par le tribunal, entre les intérêts de la requérante et l’objectif de maîtrise des flux migratoires. En l’espèce, bien que présente depuis 2017 et entourée de sa famille, la situation de l’intéressée, dont le séjour est devenu irrégulier après un rejet définitif de sa demande d’asile, n’a pas été jugée suffisamment stable et ancrée pour faire obstacle à une mesure d’éloignement. La cour rappelle ainsi implicitement que le droit au respect de la vie privée et familiale n’est pas absolu et que son exercice peut être limité par des considérations légitimes de politique publique, notamment la défense de l’ordre public et le contrôle de l’immigration.
B. L’interprétation restrictive de l’admission exceptionnelle au séjour
Le juge administratif se prononce ensuite sur le refus d’admission au séjour au titre de l’article L. 435-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Il confirme que la délivrance d’un titre de séjour sur ce fondement relève d’une faculté pour l’autorité administrative et non d’un droit pour le demandeur. La cour analyse les éléments avancés par la requérante, à savoir « ses efforts d’intégration, la présence de membres de sa famille sur le territoire français, la scolarisation de ses enfants et des risques allégués d’enrôlement de son époux dans l’armée ». Elle juge que ces circonstances, prises dans leur ensemble, « ne constituent pas des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels ». Cette approche illustre la portée très encadrée de la régularisation pour motifs exceptionnels, qui suppose des circonstances sortant de l’ordinaire et ne se confondant pas avec les simples difficultés inhérentes à un retour dans le pays d’origine ou à une intégration en cours en France. En validant l’appréciation du préfet, la cour souligne que des éléments tels que les efforts d’intégration, bien que positifs, ne créent pas une obligation pour l’administration de régulariser la situation de l’étranger.
II. La portée limitée du contrôle juridictionnel en matière de séjour
Cet arrêt est révélateur du rôle du juge administratif dans le contentieux des étrangers, qui exerce un contrôle restreint sur les décisions préfectorales. Ce contrôle se limite à la censure de l’erreur manifeste d’appréciation (A), consacrant de fait la primauté des objectifs de politique migratoire sur les situations individuelles d’intégration (B).
A. La censure limitée à l’erreur manifeste d’appréciation
La cour administrative d’appel conclut à plusieurs reprises que le préfet n’a pas commis « d’erreur manifeste dans l’appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ». Ce standard de contrôle juridictionnel est au cœur du raisonnement. Le juge ne substitue pas sa propre appréciation à celle de l’administration ; il vérifie seulement que la décision prise n’est pas manifestement disproportionnée, illogique ou inadaptée au regard des faits du dossier. En l’espèce, la cour estime que ni le refus de séjour, ni l’obligation de quitter le territoire français qui en découle, ne révèlent une telle erreur. La durée de séjour, la situation familiale et les efforts d’intégration de la requérante, bien que réels, n’ont pas été jugés d’un poids tel que la décision du préfet puisse être qualifiée de manifestement erronée. Cette retenue du juge garantit à l’administration une marge de manœuvre considérable dans la gestion des demandes de titre de séjour, en particulier celles qui ne relèvent d’aucune catégorie de plein droit.
B. La primauté du contrôle des flux migratoires sur les facteurs d’intégration
En définitive, la décision commentée illustre la prévalence du pouvoir de l’État de contrôler l’entrée et le séjour des étrangers sur son territoire. Bien que le législateur et le juge prennent en compte des éléments d’intégration personnelle et familiale, ces derniers ne l’emportent que rarement face à une situation d’irrégularité du séjour, surtout lorsqu’elle fait suite à l’échec d’une procédure de demande d’asile. L’arrêt montre que la scolarisation des enfants, dès lors qu’ils ne sont pas séparés de leurs parents par la décision, et les efforts personnels d’intégration, pèsent d’un poids relatif dans la balance des intérêts. La solution s’inscrit dans une jurisprudence constante qui, tout en veillant au respect des droits fondamentaux, réaffirme que la présence prolongée sur le territoire national ne constitue pas un droit acquis au séjour. Ainsi, la portée de cet arrêt, qui est une décision d’espèce, réside moins dans l’énoncé d’un principe nouveau que dans la confirmation d’une ligne jurisprudentielle bien établie, où la souveraineté de l’État en matière de politique migratoire demeure le principe directeur.