Cour d’appel administrative de Nancy, le 6 mars 2025, n°22NC02527

La cour administrative d’appel de Nancy, par un arrêt rendu le 6 mars 2025, précise les conditions de recevabilité des moyens lors d’une instance d’appel. Une enseignante conteste des décisions rectorales refusant de reconnaître l’imputabilité au service de sa pathologie après un incident survenu en milieu professionnel. Le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne rejette ses demandes le 8 juillet 2022, ce qui conduit l’intéressée à porter le litige devant les juges d’appel. La question juridique centrale porte sur la possibilité d’invoquer une irrégularité du jugement de première instance après le dépassement du délai de recours légal. La juridiction rejette les requêtes en invoquant la cristallisation des causes juridiques, privant ainsi l’appelante de toute possibilité de discussion utile sur le fond.

I. L’irrecevabilité d’un moyen de régularité nouveau après l’expiration du délai d’appel

A. La cristallisation des causes juridiques au cours de l’instance d’appel

L’appelante critique la décision de première instance en soutenant que les premiers juges ont estimé à tort ses conclusions initiales comme étant irrecevables. Toutefois, ce grief n’a été formulé que dans un mémoire complémentaire déposé près de deux ans après l’enregistrement de sa requête d’appel initiale. La juridiction administrative relève que ce moyen « relève d’une cause juridique distincte de ceux invoqués initialement à l’appui de ses requêtes d’appel ». En droit administratif, la distinction entre la légalité interne et la légalité externe s’applique également à la contestation d’une décision juridictionnelle. L’invocation d’une irrégularité formelle du jugement constitue une cause juridique nouvelle par rapport à la contestation du bien-fondé de la solution retenue.

B. L’application rigoureuse du calendrier de procédure à la contestation du jugement

Le juge d’appel rappelle que les moyens nouveaux ne peuvent plus être introduits une fois le délai de recours contentieux expiré devant la cour. La juridiction précise que ce moyen a été présenté « après l’expiration du délai d’appel alors que seule était ouverte la cause relative au bien-fondé ». Cette règle garantit la sécurité juridique et la célérité de l’instruction en interdisant aux parties de modifier arbitrairement le périmètre du litige. Par conséquent, l’irrecevabilité prononcée par les magistrats de Nancy confirme une jurisprudence constante sur la cristallisation des moyens au terme du délai d’appel. La requérante se trouve ainsi privée de la possibilité de remettre en cause la motivation procédurale retenue par le tribunal administratif.

II. L’échec inéluctable des prétentions indemnitaires et des conclusions accessoires

A. Le rejet des demandes de responsabilité faute d’une motivation suffisante

Outre l’annulation des actes administratifs, l’enseignante demandait la condamnation de l’Etat à lui verser une somme de cinquante mille euros pour ses préjudices personnels. La cour constate néanmoins que « la requérante ne soulevant aucun moyen contre le rejet de sa demande indemnitaire », ces conclusions doivent être écartées. Le juge administratif ne peut suppléer l’absence de motivation d’une requête, même si l’appelant maintient formellement ses prétentions financières au stade de l’appel. Cette solution illustre le caractère strictement contradictoire et motivé du procès administratif où chaque chef de demande doit être précisément étayé juridiquement. L’insuffisance des écritures de l’appelante conduit inévitablement à la confirmation du jugement de première instance sur le volet de la responsabilité fautive.

B. L’impossibilité juridique de prescrire des mesures d’injonction

Le rejet des conclusions principales en annulation prive de tout fondement les demandes tendant à ce qu’il soit enjoint à l’administration de réexaminer la situation. Les juges soulignent que l’arrêt « n’implique donc aucune mesure d’exécution au sens des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative ». L’absence d’annulation de l’acte attaqué interdit au juge d’adresser des ordres à l’autorité rectorale concernant la reconnaissance de l’imputabilité au service. Dès lors, la cour refuse également de mettre à la charge de l’Etat les frais exposés par la requérante pour la conduite de son instance. Cette décision globale consacre le strict respect des règles de procédure contentieuse au détriment de l’examen au fond de la pathologie invoquée.

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Hassan KOHEN
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