Cour d’appel administrative de Nancy, le 6 mars 2025, n°23NC03446

Par un arrêt du 6 mars 2025, la Cour administrative d’appel de Nancy statue sur la légalité d’un refus de séjour assorti d’éloignement. Un ressortissant étranger sollicite son admission au séjour en invoquant sa situation personnelle et des motifs exceptionnels de régularisation. L’autorité préfectorale rejette la demande, ordonne le départ du territoire et prononce une interdiction de retour d’une année. Le tribunal administratif de Strasbourg rejette le recours dirigé contre cet arrêté par un jugement rendu le 19 octobre 2023. L’intéressé soutient en appel que la décision manque de motivation et méconnaît son droit à être entendu avant l’édiction de la mesure. Il conteste également la base légale de l’interdiction de retour compte tenu du délai de départ volontaire qui lui fut accordé. La juridiction administrative doit vérifier si l’administration respecte les garanties procédurales et les critères légaux lors de l’édiction d’une mesure d’éloignement. La Cour confirme la validité de l’acte administratif en soulignant l’absence de nécessité d’une motivation autonome pour l’obligation de quitter le territoire. Elle valide ainsi l’articulation entre les garanties de l’étranger et les nécessités de l’ordre public migratoire au sein du droit positif actuel.

I. L’encadrement de la régularité procédurale et l’examen de la situation personnelle

A. La validité de la motivation et du droit à l’information La Cour administrative d’appel de Nancy précise d’abord les exigences formelles entourant les décisions de refus de séjour et d’obligation de quitter le territoire. Elle rappelle que la mesure d’éloignement « n’a pas à faire l’objet d’une motivation distincte de celle de la décision de refus de titre ». Cette solution simplifie la charge rédactionnelle de l’administration tout en préservant l’information du destinataire sur les motifs juridiques et factuels de l’acte. Le juge écarte ensuite le moyen tiré de la méconnaissance du droit d’être entendu avant l’édiction de l’obligation de quitter le territoire français. Le requérant « ne pouvait raisonnablement ignorer qu’en cas de rejet de sa demande de titre, il était susceptible de faire l’objet d’une obligation ». Cette présomption de connaissance dispense l’autorité préfectorale d’organiser un nouvel échange contradictoire spécifiquement dédié à la mesure d’éloignement envisagée par ses services.

B. La confirmation de l’absence d’atteinte disproportionnée à la vie privée Le juge administratif procède ensuite au contrôle de la légalité interne en examinant la situation familiale et l’intégration de l’intéressé sur le sol. L’arrêt confirme l’absence de violation de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales par substitution. Le requérant est célibataire et ne justifie d’aucune charge de famille ou d’une insertion sociale particulière de nature à faire obstacle à son départ. Bien qu’il ait exercé une activité professionnelle, cette circonstance ne suffit pas à caractériser une erreur manifeste d’appréciation de ses conditions d’existence. L’administration dispose ici d’un large pouvoir pour estimer que le maintien dans le pays n’est pas commandé par des nécessités privées ou humanitaires. Cette position témoigne d’une application rigoureuse des critères de régularisation exceptionnelle face à une situation de séjour irrégulier prolongée par le requérant.

II. Le renforcement du régime juridique de l’interdiction de retour sur le territoire

A. La licéité de l’interdiction malgré l’octroi d’un délai de départ La Cour administrative d’appel de Nancy apporte une précision importante concernant l’articulation entre le délai de départ volontaire et l’interdiction de retour. Elle juge que les dispositions du code « permettent au préfet de prononcer une interdiction de retour alors même qu’un délai de départ volontaire a été accordé ». Cette interprétation confirme l’autonomie de la mesure de sûreté qui vise à prévenir le retour immédiat de l’étranger sur le territoire national. L’octroi d’un délai pour organiser le voyage n’interdit donc pas à l’autorité administrative de verrouiller la frontière pour une durée déterminée par avance. Le juge consacre ainsi une lecture extensive des pouvoirs de police des étrangers au profit de l’efficacité des mesures d’éloignement prises par l’État.

B. L’application rigoureuse des critères d’appréciation de la durée L’examen final porte sur la durée de l’interdiction de retour et les critères fixés par l’article L. 612-10 du code de l’entrée et du séjour. L’administration doit prendre en compte la durée de présence, les liens avec la France et l’absence de menace pour l’ordre public des personnes. L’autorité préfectorale a relevé que l’intéressé « n’a pas fait l’objet d’une précédente décision portant obligation de quitter le territoire » tout en prononçant une interdiction. La Cour valide cette décision en soulignant que le maintien volontaire dans une situation irrégulière depuis plusieurs années justifie une mesure d’interdiction d’un an. L’absence de risque pour l’ordre public n’empêche pas le prononcé de la sanction si les autres critères de liens familiaux restent trop faibles. Ce raisonnement illustre la volonté du juge de maintenir une pression juridique sur les étrangers dont la demande d’asile a été préalablement rejetée.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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