Cour d’appel administrative de Nantes, le 1 avril 2025, n°23NT02440

La Cour administrative d’appel de Nantes, par une décision du 1er avril 2025, statue sur la légalité d’un refus de visa de long séjour. Une mère résidant en France demande la réunification pour ses deux fils restés à l’étranger afin de rejoindre leur demi-sœur, reconnue réfugiée. L’administration rejette cette demande car les membres de la fratrie ne figurent pas parmi les bénéficiaires directs énumérés par le code de l’entrée et du séjour.

Après le rejet de son recours par le tribunal administratif de Nantes le 15 juin 2023, la requérante soutient que la décision méconnaît les engagements internationaux. Elle invoque spécifiquement l’intérêt supérieur de ses enfants ainsi que le droit à la protection de sa vie familiale normale contre toute ingérence injustifiée.

Le juge d’appel doit ainsi trancher la question de savoir si des circonstances médicales exceptionnelles justifient l’octroi d’un visa hors du cadre législatif strict. La Cour administrative d’appel de Nantes annule le refus initial en soulignant que la présence du frère est indispensable pour une greffe de moelle osseuse. L’examen de cette décision impose d’analyser d’abord l’interprétation rigoureuse du cadre légal de la réunification avant d’observer la primauté accordée aux conventions internationales.

I. L’interprétation rigoureuse du cadre légal de la réunification familiale

A. L’inadaptation des dispositions du code de l’entrée et du séjour

La Cour rappelle que les bénéficiaires de la réunification familiale sont limitativement énumérés par les articles L. 561-2 et suivants du code précité. Ces textes permettent au réfugié mineur d’être rejoint par ses ascendants directs, lesquels peuvent être accompagnés de leurs enfants mineurs dont ils ont la charge.

Dans l’espèce commentée, les juges relèvent que « les liens familiaux des deux demandeurs de visa avec leur demi-sœur protégée ne correspondent pas à l’un des cas » prévus. Cette lecture littérale confirme que la fratrie ne dispose d’aucun droit autonome à la réunification si elle n’accompagne pas les parents du mineur réfugié.

B. L’éviction motivée par l’absence d’accompagnement des ascendants

L’administration fondait son refus sur le fait que la mère était déjà présente sur le territoire national lors de la demande de visas pour ses fils. La loi du 10 septembre 2018 exige en effet que les frères et sœurs accompagnent les ascendants qui sollicitent leur propre entrée en France.

Cette condition technique fait obstacle à la réunification dès lors que le parent protecteur réside déjà en France avec l’enfant ayant obtenu le statut de réfugié. Malgré cette inéligibilité statutaire, la juridiction administrative déplace le débat vers la protection des droits garantis par les conventions internationales ratifiées par la France.

II. La primauté des conventions internationales sur les critères réglementaires

A. La consécration de l’intérêt supérieur de l’enfant en matière médicale

La Cour administrative d’appel de Nantes s’appuie sur la Convention internationale des droits de l’enfant pour censurer la position restrictive du ministre de l’intérieur. Elle souligne que l’intérêt de la jeune réfugiée, atteinte d’une pathologie grave, doit être une « considération primordiale » dans l’exercice du pouvoir administratif.

La décision précise qu’un don de fratrie est nécessaire pour une greffe bénéfique à la prise en charge thérapeutique de l’enfant handicapée vivant sur le territoire. Le jeune demandeur étant susceptible d’être compatible, son absence prive sa sœur d’une chance réelle de traitement médical indispensable à sa survie immédiate.

B. Le rétablissement du droit à une vie familiale normale

Le juge administratif mobilise également l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme pour protéger l’unité de la cellule familiale. Il observe que la mère élève seule trois enfants en bas âge, ce qui limite ses possibilités de voyager pour maintenir le lien avec ses fils.

En annulant le refus, la cour considère que l’éloignement durable des membres de la famille constitue une atteinte disproportionnée aux droits protégés par les textes internationaux. Cette solution pragmatique impose finalement au ministre de délivrer les visas sollicités pour mettre un terme à une situation humaine jugée juridiquement intenable.

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Hassan KOHEN
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Hassan Kohen

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