La Cour administrative d’appel de Nantes a rendu, le 1er avril 2025, un arrêt précisant les conditions d’accès à la procédure de réunification familiale des réfugiés. Un ressortissant étranger a sollicité des visas de long séjour pour ses quatre enfants résidant en Afrique afin de rejoindre leur demi-sœur ayant obtenu la protection internationale. L’administration a opposé un refus implicite à cette demande, décision confirmée en première instance par le tribunal administratif de Nantes dans son jugement du 9 juin 2023. Le requérant soutient que ses enfants doivent bénéficier du droit d’asile accordé à leur sœur, invoquant également la protection de sa vie privée et familiale. La question posée au juge porte sur l’extension du bénéfice de la réunification familiale aux enfants d’un parent non-réfugié dont l’un des membres est protégé. La Cour rejette l’appel en validant une substitution de motifs, après avoir constaté que les demandeurs n’entraient pas dans les catégories légales de la réunification. L’étude de cette décision impose d’analyser d’abord l’interprétation stricte des bénéficiaires du droit à être rejoint (I), avant d’examiner la validation du refus par substitution (II).
I. L’interprétation rigoureuse des bénéficiaires de la réunification familiale
A. L’inapplicabilité des certifications d’état civil de l’Office spécialisé
L’administration avait fondé son rejet initial sur le fait que les enfants n’auraient pas été déclarés lors de l’établissement de la situation familiale du réfugié. Toutefois, les juges considèrent que ces certifications d’état civil ne peuvent être opposées aux demandeurs de visa dans cette configuration familiale très précise. La Cour souligne que le père « n’a pas lui-même obtenu le statut de réfugié », rendant ainsi le motif initial de l’autorité consulaire juridiquement inopérant et illégal. Cette mise à l’écart du premier motif oblige la juridiction à se pencher sur la réalité des droits à la réunification pour les membres de cette fratrie.
B. L’exclusion des collatéraux du champ d’application de la loi
L’article L. 561-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile limite le bénéfice de la réunification familiale aux membres du couple. Le texte prévoit également l’accueil des enfants mineurs du couple ou, si le réfugié est mineur, de ses ascendants et des enfants mineurs à charge. Or, les demandeurs sont les enfants d’un premier lit du père et ne sont pas les enfants mineurs à charge des ascendants de la mineure réfugiée. Dès lors, la Cour affirme que les intéressés « ne font dès lors pas partie des membres de famille d’un réfugié » pouvant prétendre à cette procédure. Ce constat de carence juridique permet au juge de rechercher si un autre motif peut justifier légalement le maintien de la décision de refus attaquée.
II. La validation du refus par le biais d’une substitution de motifs
A. La régularité de la substitution opérée par le juge d’appel
L’administration peut demander au juge de l’excès de pouvoir de remplacer le motif illégal d’une décision par un motif de droit ou de fait légalement justifié. Le juge vérifie alors si l’administration « aurait pris la même décision si elle s’était fondée initialement sur ce motif » tout en préservant les garanties du requérant. En l’espèce, l’inéligibilité des enfants à la réunification constitue un motif suffisant et autonome permettant de rejeter les conclusions aux fins d’annulation du refus de visa. Cette substitution ne prive pas les intéressés d’une garantie procédurale, assurant ainsi la sécurité juridique de la décision administrative malgré l’erreur de droit commise initialement.
B. L’absence d’atteinte excessive au droit à mener une vie familiale
Le requérant invoquait une violation du droit au respect de sa vie privée et familiale ainsi que la méconnaissance de l’intérêt supérieur de ses enfants mineurs. Les juges notent que les enfants vivent dans leur pays d’origine depuis dix ans sous la garde de leur oncle et ne subissent pas de rupture familiale. La décision précise que le refus « ne porte pas à la date de la décision contestée une atteinte disproportionnée » aux droits protégés par la convention européenne. L’intérêt supérieur des enfants reste préservé par le maintien de leur cadre de vie actuel, validant ainsi la position de la Cour administrative d’appel de Nantes.