La Cour administrative d’appel de Nantes a rendu, le 1er avril 2025, un arrêt relatif aux conditions de délivrance de visas de long séjour. Un ressortissant étranger ayant obtenu l’asile en 2003 souhaitait être rejoint par son épouse et ses cinq enfants résidant alors au Sénégal. Le tribunal administratif de Nantes avait annulé le refus pour quatre enfants mais maintenu celui concernant l’épouse et la plus jeune fille. Les intéressés ont donc saisi la juridiction d’appel afin d’obtenir l’annulation du refus opposé aux membres de la cellule familiale formée après l’obtention du statut. La question posée concerne la légalité du rejet opposé à une épouse et à son enfant mineur dont l’union est postérieure à la demande d’asile. La Cour décide que le lien de filiation établi et la stabilité des relations matrimoniales justifient l’annulation totale de la décision administrative implicite contestée.
I. La reconnaissance du droit de l’enfant à rejoindre son parent réfugié
A. L’application littérale des dispositions relatives à la réunification familiale
Le droit au séjour des enfants de réfugiés repose sur les dispositions de l’article L. 561-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers. Ce texte dispose que le bénéficiaire de la protection peut être rejoint par ses « enfants non mariés du couple, n’ayant pas dépassé leur dix-neuvième anniversaire ». La juridiction administrative vérifie ici scrupuleusement le respect des critères d’âge et de filiation au moment de l’introduction de la demande de visa. En l’espèce, l’identité de l’enfant mineure et son lien de parenté avec le ressortissant protégé n’étaient nullement contestés par l’administration française. La Cour rappelle ainsi que le droit à la réunification familiale constitue une garantie essentielle pour les personnes ayant obtenu le bénéfice de l’asile.
B. Le rejet de la condition temporelle liée à la date de l’union
L’administration avait initialement opposé un refus au motif que « l’union dont elle est issue est postérieure à la date d’introduction de la demande d’asile ». Les magistrats nantais considèrent que cet argumentaire est dépourvu de base légale pour faire obstacle au droit de l’enfant à rejoindre son père. La Cour affirme que la commission de recours « a fait une inexacte application des dispositions précitées » en ajoutant une condition non prévue par la loi. Cette interprétation stricte du code garantit que les enfants nés après la reconnaissance du statut de réfugié ne soient pas privés de leur droit fondamental. La solution retenue assure une protection effective de la descendance sans égard pour la chronologie des évènements ayant conduit à la protection.
II. La sauvegarde de la cellule familiale par le contrôle de proportionnalité
A. La prise en compte de la réalité des liens affectifs et éducatifs
L’examen du droit au visa de l’épouse nécessite une appréciation concrète de la situation familiale au regard des stipulations de la convention européenne. La Cour souligne que l’intéressée « a pris en charge et a élevé les premiers enfants de son époux » au sein du logement familial. Cette implication quotidienne dans l’éducation des enfants issus d’un premier lit démontre l’existence d’une vie familiale stable et parfaitement intégrée au foyer. Les juges relèvent également que le requérant maintenait des liens étroits avec les siens en effectuant des visites régulières dans son pays d’origine. La reconnaissance de cette réalité vécue permet de dépasser le simple cadre formel des procédures de regroupement pour s’attacher à la substance du lien.
B. La sanction de l’atteinte excessive au droit à la vie familiale
Le refus de visa aurait pour conséquence inévitable de séparer une mère de sa propre fille et des autres enfants mineurs dont elle s’occupe. La Cour juge qu’une telle décision porte une « atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale des requérants » en France. Cette conclusion s’appuie sur l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme afin de censurer l’erreur d’appréciation de l’administration. La protection de l’unité familiale prévaut ici sur les impératifs de contrôle des flux migratoires mis en avant par le ministère de l’intérieur. L’annulation prononcée est assortie d’une injonction de délivrer les visas nécessaires pour permettre la réunion effective de l’ensemble de la famille recomposée.