Cour d’appel administrative de Nantes, le 1 juillet 2025, n°24NT02913

Par un arrêt du 1er juillet 2025, la Cour administrative d’appel de Nantes a statué sur la légalité d’une mesure d’éloignement prise à l’encontre d’un ressortissant étranger. Le litige portait sur la conciliation entre la protection de l’ordre public et le respect de la vie privée et familiale garanti par les conventions internationales. L’intéressé, de nationalité marocaine, a subi une condamnation définitive à quatre années d’emprisonnement pour des faits de violence aggravée commis en état de récidive légale. L’autorité préfectorale a édicté à son encontre une obligation de quitter le territoire sans délai ainsi qu’une interdiction de retour d’une durée de trois ans. Saisi d’un recours en annulation, le Tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande du requérant par un jugement intervenu le 11 juin 2024. La juridiction d’appel doit déterminer si la menace à l’ordre public justifie légalement l’atteinte portée au droit au respect de la vie privée et familiale. Le juge administratif rejette la requête en considérant que l’intérêt de la sécurité publique prime sur des liens familiaux pouvant être poursuivis à l’étranger.

I. La prééminence de l’ordre public sur l’intensité des attaches familiales

A. La caractérisation rigoureuse d’une menace persistante pour la sécurité publique

Pour valider l’obligation de quitter le territoire français, la Cour administrative d’appel de Nantes se fonde prioritairement sur la dangerosité du comportement du requérant étranger. Elle relève que l’intéressé a été définitivement condamné pour des faits de violence aggravée, soulignant que cette condamnation s’inscrit dans un contexte de récidive pénale avérée. Le juge administratif précise que le bulletin du casier judiciaire mentionne de multiples infractions commises entre 2015 et 2019, incluant des faits de violence et d’ivresse. Il est ainsi retenu que la « menace à l’ordre public que représente la présence de l’intéressé sur le territoire national » justifie légalement la mesure d’éloignement. Cette appréciation souveraine des faits permet aux magistrats de confirmer la nécessité de la décision administrative face à la gravité des troubles causés à la société.

B. La proportionnalité du refus de séjour face aux attaches familiales transposables

Le requérant invoquait la méconnaissance des stipulations de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme relatives au respect de la vie familiale. Toutefois, la juridiction administrative estime que l’autorité préfectorale n’a pas porté une atteinte disproportionnée à ce droit fondamental malgré la présence d’une épouse et d’enfants. La Cour souligne que l’intéressé ne justifie d’aucun lien effectif avec son premier enfant et qu’il n’établit pas être dépourvu d’attaches familiales dans son pays d’origine. Les juges considèrent que la vie familiale peut se poursuivre au Maroc, pays où la relation avec la seconde épouse a débuté et où le couple a séjourné. L’insertion socioprofessionnelle n’est pas jugée suffisamment significative pour contrebalancer la menace à l’ordre public, rendant l’éloignement compatible avec les exigences du droit conventionnel.

Cette analyse de la situation personnelle du requérant commande également l’examen de la mesure accessoire d’interdiction de retour sur le territoire français.

II. La rigueur du contrôle juridictionnel des mesures de sûreté et d’éloignement

A. L’articulation entre l’intérêt supérieur de l’enfant et l’impératif de sûreté publique

Le juge administratif examine ensuite le moyen tiré de la méconnaissance du premier paragraphe de l’article 3 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant. Il rappelle que l’autorité administrative doit accorder une « attention primordiale à l’intérêt supérieur des enfants » dans toutes les décisions affectant leur situation de manière directe. Cependant, la Cour administrative d’appel de Nantes considère que la décision portant obligation de quitter le territoire français ne porte pas atteinte à cet intérêt supérieur. Elle relève qu’aucun obstacle ne s’oppose à ce que les jeunes enfants et leur mère accompagnent le requérant dans son pays d’origine pour y vivre. L’absence de preuves concernant l’entretien et l’éducation du premier enfant né d’une précédente union renforce la position de la juridiction sur l’absence de violation conventionnelle.

B. La validation d’une interdiction de retour justifiée par la gravité des infractions

Enfin, la Cour administrative d’appel de Nantes confirme la légalité de l’interdiction de retour sur le territoire français pour une durée maximale de trois années. Elle applique les dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Le juge vérifie que l’administration a tenu compte de la menace pour l’ordre public ainsi que de la nature des liens entretenus avec la France. En l’espèce, la gravité des faits criminels et le maintien antérieur en situation irrégulière justifient le quantum de la peine administrative prononcée par le préfet. La décision souligne la cohérence entre la mesure d’éloignement et la durée de l’interdiction de retour, confirmant ainsi la validité intégrale de l’arrêté contesté. Le rejet de la requête illustre la sévérité du juge administratif envers les ressortissants étrangers dont le comportement porte gravement atteinte à la sécurité nationale.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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