Par un arrêt en date du 1er juillet 2025, la cour administrative d’appel de Nantes se prononce sur la légalité d’un refus de titre de séjour assorti d’une obligation de quitter le territoire français. Un ressortissant ivoirien, entré régulièrement en France en 2018 et ayant bénéficié de titres de séjour temporaires, notamment en qualité d’étranger malade, a sollicité la délivrance d’un nouveau titre sur plusieurs fondements. Sa demande visait à la fois la reconnaissance de son état de santé, son insertion professionnelle et sa vie privée et familiale.
Face au refus du préfet de la Loire-Atlantique, matérialisé par un arrêté du 12 janvier 2023, l’intéressé a saisi le tribunal administratif de Nantes. Le tribunal a rejeté sa demande par un jugement du 11 juillet 2024. Le requérant a alors interjeté appel de ce jugement, soutenant que la décision préfectorale était entachée d’irrégularités procédurales, méconnaissait plusieurs dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, ainsi que l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
La question de droit soumise à la cour était de déterminer si une autorité administrative commet une erreur de droit ou d’appréciation en refusant le séjour à un étranger dont la pathologie nécessite une prise en charge, au motif qu’il pourrait bénéficier d’un traitement approprié dans son pays d’origine et que son intégration en France est jugée insuffisante au regard des autres fondements légaux.
La cour administrative d’appel de Nantes rejette la requête, validant ainsi l’analyse des premiers juges et la légalité de la décision préfectorale. Elle estime que le préfet n’a méconnu aucune des dispositions invoquées ni commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que ni l’état de santé, ni la situation professionnelle, ni la vie privée du requérant ne justifiaient son admission au séjour.
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I. L’appréciation rigoureuse de la condition d’accès au séjour pour soins
La cour confirme la position de l’administration en validant l’interprétation stricte des conditions d’octroi d’un titre de séjour pour un étranger malade. Elle se fonde pour cela sur une analyse minutieuse de la procédure d’avis médical (A) et sur une évaluation concrète de l’offre de soins dans le pays d’origine (B).
A. La procédure de l’avis médical et la charge de la preuve
La cour examine en premier lieu la régularité de la procédure suivie par le collège de médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII). Le requérant soutenait que l’avis était irrégulier, notamment en raison de l’absence de mention des « éléments de procédure ». Le juge écarte cet argument en précisant que l’avis n’a pas à mentionner des actes de procédure qui n’ont pas été effectués. Cette solution pragmatique évite de sanctionner l’avis pour une omission purement formelle et sans conséquence sur son contenu.
De plus, la cour rappelle un principe essentiel en matière de contentieux de l’étranger malade : la charge de la preuve pèse sur le demandeur. Elle souligne que « il appartient à M. A… de faire remplir le certificat médical prévu par cet article ». En l’absence de production de ce document par le requérant, celui-ci ne peut utilement contester la validité du rapport médical. Le juge administratif réaffirme ainsi que le secret médical protège le patient, mais que ce dernier doit coopérer activement à sa propre défense en fournissant les éléments nécessaires à l’instruction de son dossier. Le refus du juge de pallier la carence du requérant en ordonnant une mesure d’instruction témoigne de cette exigence de collaboration.
B. L’évaluation concrète de l’accès effectif au traitement
Le cœur de l’argumentation de la cour repose sur l’appréciation de l’accès effectif à un traitement approprié en Côte d’Ivoire. L’avis de l’OFII, bien que reconnaissant la gravité potentielle des conséquences d’un défaut de prise en charge, concluait à la possibilité pour l’intéressé de se soigner dans son pays d’origine. Pour contester cet avis, le requérant produisait des éléments médicaux postérieurs.
La cour procède à une analyse factuelle détaillée, mais refuse de considérer ces éléments comme une « aggravation de l’état de santé » qui aurait obligé le préfet à saisir à nouveau l’OFII. Elle se livre ensuite à une vérification minutieuse des affirmations du requérant quant à l’indisponibilité de certains médicaments. Elle relève que si la « Ventoline sous forme de sirop n’est plus commercialisée en Côte d’Ivoire », la molécule active « demeure accessible dans ce pays ». De même, elle prend acte de l’existence de « sept [infrastructures] à Abidjan » pour une pathologie ne nécessitant qu’une consultation annuelle. Cet examen factuel précis démontre la volonté du juge de ne pas s’en tenir aux allégations des parties mais de vérifier concrètement la réalité de l’offre de soins, renforçant la motivation de sa décision.
II. Le rejet des fondements subsidiaires d’admission au séjour
Après avoir écarté le motif médical, la cour examine les autres fondements invoqués par le requérant, liés à son intégration professionnelle (A) et à sa vie privée et familiale (B). Sur ces deux points, elle adopte une approche restrictive, considérant que la situation de l’intéressé ne présentait pas un caractère suffisant pour justifier une régularisation.
A. Une insertion professionnelle jugée insuffisamment remarquable
Le requérant sollicitait son admission exceptionnelle au séjour au titre du travail, en application de l’article L. 435-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. La cour reconnaît les « efforts entrepris par M. A… pour s’insérer professionnellement », mais juge que les emplois occupés, « de façon discontinue et pour la plupart à temps partiel », ne sont pas suffisants.
Le juge qualifie ces emplois, qui n’exigent « aucune qualification ni aucune formation particulière », comme étant « insuffisants pour regarder M. A… comme justifiant d’une insertion professionnelle particulièrement significative ou remarquable en France ». Cette formulation est révélatrice du niveau d’exigence élevé attendu par la jurisprudence pour une admission au séjour sur ce fondement. La simple occupation d’un emploi, même en contrat à durée indéterminée, ne suffit pas. Le caractère « remarquable » de l’insertion est apprécié au regard de la stabilité, de la qualification et de la continuité de l’activité professionnelle, critères qui faisaient défaut en l’espèce.
B. Une interprétation classique du droit au respect de la vie privée et familiale
Enfin, la cour analyse la situation du requérant au regard de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Elle procède à une balance des intérêts en présence. D’un côté, elle prend en compte la durée de présence de quatre années en France. De l’autre, elle oppose plusieurs éléments qui affaiblissent la position du requérant.
Le juge souligne d’abord que le séjour de l’intéressé a reposé exclusivement sur un statut précaire, celui d’étranger malade, qui « ne lui donne pas vocation à s’installer durablement sur le territoire français ». Ensuite, il retient l’existence d’attaches familiales dans son pays d’origine, où il a vécu jusqu’à l’âge de trente-quatre ans. Enfin, la cour estime que les liens allégués avec une enfant en France ne sont pas « suffisamment établi[s] ». Cette approche, qui consiste à minimiser la portée des liens créés en France en raison du caractère précaire du titre de séjour initial, s’inscrit dans une ligne jurisprudentielle constante. La décision de refus de séjour n’est donc pas jugée comme portant une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale.