Par un arrêt rendu le 1er juillet 2025, la Cour administrative d’appel de Nantes précise l’articulation entre le développement éolien et les impératifs de la défense nationale. Une société a sollicité la délivrance d’une autorisation environnementale pour l’exploitation d’un parc de trois aérogénérateurs. L’autorité préfectorale a rejeté cette demande en se fondant sur l’avis conforme défavorable émis par le ministère des armées. Ce refus invoquait les perturbations générées sur la détection du radar militaire situé à cinquante-cinq kilomètres du projet. La société requérante a alors saisi la juridiction d’appel d’une demande d’annulation de l’arrêté de rejet du 18 octobre 2024. Le litige porte sur la légalité d’un avis liant la compétence du préfet en l’absence de décret d’application spécifique. La Cour administrative d’appel de Nantes devait déterminer si l’absence de critères réglementaires définis par décret privait de base légale l’avis du ministre. Les juges considèrent que les dispositions du code de l’aviation civile suffisent à fonder l’intervention du ministre chargé de la défense. L’avis défavorable lie le préfet qui doit rejeter la demande d’autorisation sans pouvoir apprécier l’opportunité d’une compensation.
**I. La reconnaissance d’une base légale pérenne pour la protection des radars militaires**
**A. Le maintien des prérogatives ministérielles malgré le silence du pouvoir réglementaire**
La société requérante soutenait que l’avis de la direction de la circulation aérienne militaire était privé de fondement juridique certain. Elle invoquait l’absence du décret prévu par l’article L. 515-45 du code de l’environnement pour définir les règles d’implantation. La Cour administrative d’appel de Nantes écarte ce moyen en relevant que « l’avis litigieux trouve son fondement en particulier dans l’article R. 244-1 du code de l’aviation civile ». Ce texte soumet à autorisation spéciale les installations susceptibles de constituer des obstacles à la navigation aérienne en raison de leur hauteur. Les juges d’appel confirment ainsi que l’absence de décret d’application d’une loi nouvelle n’interrompt pas l’application des règlements antérieurs compatibles. Cette solution garantit la continuité de la protection des équipements de surveillance nécessaires à la posture permanente de sûreté aérienne. Elle limite les effets de l’inertie gouvernementale sur le contrôle des obstacles au sein du domaine aéronautique.
**B. Le contrôle restreint du juge sur l’appréciation technique de la gêne significative**
Le ministre des armées a estimé que le parc projeté constituait une gêne avérée pour la mission de détection du radar de surveillance. La Cour s’appuie sur une étude d’intervisibilité réalisée par les services spécialisés pour valider ce constat de dégradation des performances. Elle précise que les éléments produits sont « suffisamment précis et étayés » pour justifier le risque non acceptable dans ce secteur stratégique. La société ne parvient pas à démontrer une erreur d’appréciation par la simple mention de parcs éoliens voisins préexistants. Les juges soulignent qu’une instruction ministérielle abrogée ne saurait limiter le pouvoir d’examen au cas par cas de l’administration centrale. Le juge administratif valide la souveraineté de l’expertise militaire dès lors qu’elle repose sur des données objectives de visibilité radar.
**II. La neutralisation du pouvoir discrétionnaire du préfet par l’avis conforme**
**A. La rigueur de la compétence liée en matière de sécurité nationale**
L’article R. 181-34 du code de l’environnement impose au préfet de rejeter la demande si l’avis d’une autorité consultée est défavorable. La Cour administrative d’appel de Nantes rappelle que cette disposition place le représentant de l’État en « situation de compétence liée ». Le préfet ne dispose d’aucune marge de manœuvre pour passer outre l’opposition du ministre chargé de la défense. Cette automaticité du rejet découle de la nature conforme de l’avis qui dessaisit l’autorité décisionnaire de son pouvoir d’appréciation. Les juges confirment que le contrôle de légalité doit alors se concentrer sur la régularité et le bien-fondé de l’avis lui-même. La protection de la défense nationale l’emporte mécaniquement sur l’intérêt privé de l’exploitant sans examen de proportionnalité.
**B. L’inefficacité des moyens relatifs aux mesures de compensation technique**
La société invoquait la possibilité pour le préfet de subordonner l’autorisation à la mise en œuvre d’équipements compensatoires selon l’article L. 515-45-1. La Cour juge ce moyen inopérant dès lors que l’opposition légale du ministre des armées lie l’autorité préfectorale de manière absolue. Elle ajoute que la requérante n’établit pas techniquement « que des équipements auraient pu compenser la gêne » pour le radar concerné. Cette position renforce l’autorité de l’avis conforme en excluant toute négociation ultérieure au stade de l’arrêté préfectoral de refus. L’absence de démonstration probante sur la viabilité des solutions de compensation scelle l’issue du litige pour le pétitionnaire. La décision finale de rejet se trouve ainsi immunisée contre les griefs relatifs aux facultés de modulation de l’autorisation environnementale.