La cour administrative d’appel de Nantes a rendu le 10 janvier 2025 une décision relative à la légalité d’un arrêté de transfert vers la Suède. Un ressortissant étranger est entré sur le territoire national avec sa famille avant de solliciter l’asile auprès de l’administration française. La consultation du fichier Eurodac a révélé que ses empreintes avaient été préalablement enregistrées par les autorités suédoises en février 2018. L’administration a alors saisi cet État d’une demande de reprise en charge sur le fondement du règlement européen du 26 juin 2013. L’autorité préfectorale a ordonné le transfert de l’intéressé vers cet État membre après l’acceptation expresse des autorités étrangères. Saisie d’un recours, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande d’annulation le 6 septembre 2023. L’intéressé a donc interjeté appel devant la juridiction supérieure en soulevant des moyens relatifs à la régularité du jugement et au fond. La question posée aux juges porte sur le respect des garanties procédurales et l’existence d’un risque réel de traitements inhumains en cas de transfert. La cour confirme la solution de première instance en estimant que la procédure est régulière et que les risques allégués ne sont pas établis. L’étude de cette décision impose d’analyser d’une part la régularité des garanties procédurales (I) et d’autre part la force de la présomption de sécurité européenne (II).
I. La consécration de la régularité des garanties procédurales
A. La validité formelle du jugement et de l’entretien individuel
La cour écarte d’abord les moyens critiquant la régularité externe du jugement rendu par le tribunal administratif de Nantes le 6 septembre 2023. Elle relève que « la minute du jugement attaqué a été signée » conformément aux prescriptions du code de justice administrative par la magistrate et le greffier. La désignation de la magistrate par le président du tribunal pour statuer sur ces litiges spécifiques est jugée régulière en l’absence de preuve contraire. La juridiction d’appel valide ensuite les conditions de l’entretien individuel mené par un agent dont l’habilitation est présumée malgré l’usage d’initiales. Elle précise que l’assistance d’un interprète par téléphone via une association agréée garantit suffisamment la confidentialité et la précision des échanges nécessaires. Ces éléments permettent d’établir que l’examen de la situation personnelle de l’intéressé a été réalisé avec toute la rigueur administrative requise par les textes.
B. L’effectivité du droit à l’information du demandeur
Le droit à l’information constitue une garantie essentielle pour le demandeur d’asile soumis à une procédure de détermination de l’État membre responsable. La cour observe que l’intéressé s’est vu remettre les brochures obligatoires « le jour même de l’enregistrement de sa demande d’asile en préfecture ». Ces documents ont été fournis en langue anglaise, idiome que l’appelant a déclaré comprendre lors de son entretien avec les services préfectoraux. Le juge souligne que ces informations ont également été « communiquées oralement » lors de l’échange individuel pour assurer une compréhension parfaite des enjeux du transfert. Cette double communication écrite et orale satisfait pleinement aux exigences de l’article 4 du règlement européen n° 604/2013 du 26 juin 2013. L’administration a ainsi permis au justiciable de faire valoir ses observations en temps utile avant l’intervention de la décision de transfert vers la Suède.
II. L’affirmation de la présomption de sécurité dans l’espace européen
A. L’absence de défaillances systémiques dans l’État responsable
Le transfert vers un État membre de l’Union européenne repose sur une présomption de respect des droits fondamentaux et des garanties de protection internationale. La cour rappelle qu’un transfert ne peut être suspendu qu’en présence de « défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil » des demandeurs. L’intéressé invoquait ici des rapports généraux et des articles de presse pour contester la fiabilité du système suédois de traitement des demandes. Les juges estiment toutefois que ces éléments ne suffisent pas à démontrer un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de la Charte européenne. La Suède demeure un État partie à la convention de Genève et à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Cette appartenance renforce la présomption de sécurité et de conformité du droit positif étranger aux standards minimaux de protection des réfugiés en Europe.
B. Le rejet des risques personnels de traitements inhumains
L’analyse des risques individuels allégués par l’appelant ne permet pas de renverser la présomption de sécurité attachée à l’État membre de destination. L’intéressé craignait notamment un éloignement indirect vers son pays d’origine où il prétendait encourir des traitements contraires à l’article 3 de la convention. La cour juge que ces affirmations « ne sont pas à elles seules susceptibles de caractériser la méconnaissance par la Suède de ses obligations » internationales. Le risque de mutilations génitales pour les enfants mineurs est également écarté faute de preuves concrètes et au regard de l’opposition manifestée par les parents. Le juge refuse ainsi de retenir une erreur manifeste d’appréciation dans l’usage de la clause discrétionnaire prévue par le règlement européen. La décision de transfert est maintenue car aucune circonstance personnelle exceptionnelle ne justifie une dérogation aux critères de responsabilité fixés par l’Union européenne.