La Cour administrative d’appel de Nantes, par un arrêt rendu le 10 janvier 2025, précise les conditions d’application de l’article L. 435-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Un ressortissant étranger, ayant exercé une activité ininterrompue durant trois années au sein d’un organisme de travail solidaire, s’est vu opposer un refus de séjour. Le tribunal administratif de Caen ayant rejeté sa demande initiale le 7 juin 2024, le requérant a alors saisi la juridiction d’appel pour contester cette décision. La question posée consistait à savoir si l’absence de contrat de travail pouvait légalement fonder un refus de séjour malgré trois ans d’activité solidaire. La Cour administrative d’appel de Nantes énonce que le préfet peut retenir ces éléments de fait dans le cadre de son large pouvoir d’appréciation globale.
I. L’exercice d’un large pouvoir d’appréciation par l’autorité préfectorale
A. La confirmation des critères factuels de l’intégration professionnelle
L’article L. 435-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers permet la délivrance d’un titre aux actifs au sein d’un organisme de travail solidaire. La Cour administrative d’appel de Nantes rappelle que le préfet doit d’abord vérifier le respect de la condition de durée d’activité ininterrompue de trois ans. Elle souligne ensuite qu’il appartient à l’autorité administrative de « porter une appréciation globale sur la situation de l’intéressé » au regard de son activité réelle. Bien que la loi n’impose pas la production d’un contrat de travail, l’absence d’une telle pièce peut être légalement opposée au demandeur étranger. La juridiction précise ainsi que « l’absence de contrat de travail peut toutefois être légalement retenue comme un élément de fait par le préfet ».
B. L’inclusion de la dimension personnelle dans l’examen de la situation
L’appréciation des perspectives d’intégration ne se limite pas strictement à la sphère professionnelle mais englobe également les attaches familiales et personnelles sur le territoire français. La Cour administrative d’appel de Nantes valide la méthode consistant à évaluer la situation privée du requérant pour déterminer l’opportunité d’une régularisation exceptionnelle. Elle relève que le préfet, « en tenant compte notamment des attaches familiales (…) et de l’ancienneté de sa présence en France », n’ajoute pas de condition illégale. Cette approche permet une confrontation des éléments spécifiques de la décision avec les nécessités de l’ordre public et les critères d’insertion sociale. L’arrêt confirme que l’examen global prescrit par le code implique une analyse transversale des différents facteurs de stabilité de l’étranger. L’étendue de ce pouvoir d’appréciation reste toutefois soumise au contrôle du juge administratif qui veille au respect de la légalité interne de l’acte.
II. L’encadrement juridictionnel de la légalité du refus de séjour
A. L’absence d’erreur de droit relative aux conditions de délivrance
Le requérant soutenait que le préfet avait commis une erreur de droit en ajoutant des conditions supplémentaires non prévues par les dispositions précises du code. La Cour administrative d’appel de Nantes écarte ce moyen en distinguant les conditions de recevabilité de la demande des éléments factuels utiles à l’appréciation. Elle affirme que le préfet ne commet pas d’erreur de droit en notant l’absence de formation professionnelle ou de promesse d’embauche lors de son examen. Les juges considèrent que « si celles-ci n’imposent pas à l’étranger la production d’un contrat de travail (…) leur absence peut toutefois être légalement retenue ». Cette distinction juridique garantit que l’administration n’outrepasse pas ses compétences tout en conservant la liberté d’évaluer la solidité du projet d’intégration.
B. La validation du contrôle restreint de l’erreur manifeste d’appréciation
La Cour administrative d’appel de Nantes exerce un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation sur la décision prise par le préfet dans le cadre de ce pouvoir. Elle examine concrètement les pièces du dossier, notant que malgré une activité réelle chez un organisme solidaire, le requérant ne justifie d’aucun diplôme. La juridiction observe que l’intéressé « ne démontrait pas suffisamment de perspectives d’intégration au sens des dispositions précitées » pour prétendre au bénéfice d’un titre. Le juge administratif vérifie également la proportionnalité de l’atteinte portée à la vie privée et familiale conformément aux stipulations conventionnelles internationales régissant les droits fondamentaux. Il conclut que la cellule familiale peut être reconstituée dans le pays d’origine, excluant ainsi toute violation caractérisée de l’article huit de la convention européenne.