Cour d’appel administrative de Nantes, le 10 juin 2025, n°24NT02056

La cour administrative d’appel de Nantes, par un arrêt rendu le 10 juin 2025, se prononce sur le refus d’un visa de long séjour. Une ressortissante de nationalité française sollicitait l’obtention de ce titre de séjour pour sa fille mineure résidant actuellement dans son pays d’origine. L’autorité administrative a toutefois opposé un refus fondé sur l’absence d’authenticité supposée des documents d’état civil produits lors de la demande. Le tribunal administratif ayant rejeté le recours en première instance, la mère de l’enfant a interjeté appel devant la juridiction de second degré.

La question posée au juge porte sur la force probante d’un jugement étranger rectifié par une ordonnance ultérieure en vue d’établir une filiation. La juridiction d’appel censure la position des premiers juges en estimant que les anomalies relevées ne suffisent pas à établir une fraude caractérisée. L’arrêt annule par conséquent la décision de refus et enjoint au représentant de l’État de délivrer le visa sollicité pour la jeune mineure. L’analyse de cette solution impose d’examiner la portée de la présomption de validité des actes étrangers avant d’étudier l’encadrement de la preuve contraire.

I. La présomption de validité des actes d’état civil étrangers

A. L’application rigoureuse du cadre légal de l’article 47 du code civil

La cour fonde son raisonnement sur l’article 47 du code civil, lequel régit la force probante des actes d’état civil établis à l’étranger. Ce texte pose une présomption de validité pour tout acte rédigé selon les formes locales, sauf preuve contraire apportée par l’administration française. Le juge administratif doit ainsi former sa conviction en tenant compte de l’intégralité des éléments produits par les différentes parties au litige. La décision rappelle que « l’article L. 811-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoit que la vérification des actes doit être effectuée ». Cette exigence législative limite considérablement la marge de manœuvre discrétionnaire de l’autorité administrative lors de l’examen des demandes de visas familiaux.

B. Le respect nécessaire de l’autorité des décisions juridictionnelles étrangères

L’arrêt souligne l’impossibilité pour l’administration de remettre en cause le bien-fondé d’une décision judiciaire étrangère sans démontrer une fraude manifeste et précise. La cour affirme qu’il « n’appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d’une décision rendue par une autorité juridictionnelle ». Cette protection garantit la stabilité des liens de filiation établis légalement à l’étranger contre des contestations administratives qui seraient dépourvues de preuves tangibles. La présomption de sincérité ne s’efface que devant des éléments extrinsèques ou intrinsèques établissant avec certitude que l’acte est falsifié ou mensonger. Cette protection des droits individuels conduit naturellement le juge à exercer un contrôle approfondi sur les indices de fraude invoqués par la puissance publique.

II. L’encadrement strict de la preuve du caractère frauduleux

A. L’insuffisance des anomalies matérielles pour écarter la foi publique

La juridiction écarte les griefs tenant à la forme des actes, considérant que des erreurs matérielles isolées ne prouvent pas une intention délictuelle. Une expédition mentionnant une date complète avant une ordonnance rectificative ne suffit pas, selon le juge, à discréditer l’ensemble du processus judiciaire. Les magistrats précisent que « ces quelques anomalies ne sont pas de nature à établir le caractère frauduleux du jugement produit » par la requérante. L’analyse intègre également les spécificités du droit local relatives aux modalités de transcription tardive des naissances sur les registres de l’état civil. La cohérence globale des mentions d’identité figurant sur les documents emporte finalement la conviction souveraine des juges de la cour d’appel.

B. Les conséquences juridiques sur le droit à la délivrance du visa

Le constat de la validité probante des actes présentés entraîne l’annulation de la décision administrative pour une inexacte application de la loi française. L’autorité administrative a commis une erreur d’appréciation en refusant de reconnaître le lien de filiation pourtant régulièrement attesté par les autorités étrangères compétentes. L’absence de mémoire en défense produit par le ministre concerné fragilise davantage la position de l’État face aux arguments précis de la demandeuse. La cour enjoint donc à l’administration de délivrer le visa de long séjour dans un délai maximal de deux mois suivant la notification. Cette décision rétablit l’exercice effectif du droit à la vie familiale pour un enfant de ressortissant français injustement maintenu à l’étranger.

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Hassan KOHEN
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Hassan Kohen

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