La Cour administrative d’appel de Nantes, par un arrêt du 12 septembre 2025, apporte des précisions sur le contrôle de l’ajournement des demandes de naturalisation. Un ressortissant étranger sollicitait l’annulation d’une décision administrative reportant de deux ans sa demande d’acquisition de la nationalité française pour des motifs de sécurité routière. Le tribunal administratif de Nantes avait initialement rejeté sa requête par un jugement dont l’appelant contestait tant la régularité que le bien-fondé juridique. Le litige porte principalement sur la capacité de l’administration à fonder un ajournement sur une infraction pénale isolée malgré une insertion sociale et familiale ancienne. Le juge d’appel décide d’annuler le jugement de première instance pour vice de procédure avant de statuer sur le fond de la demande d’annulation. La solution retenue confirme la large marge de manœuvre de l’autorité publique dans l’appréciation de l’opportunité d’octroyer la citoyenneté française aux étrangers. L’analyse de l’irrégularité du jugement précédera l’étude du large pouvoir d’appréciation reconnu à l’autorité administrative en matière de naturalisation.
I. La sanction de l’irrégularité juridictionnelle et la validation formelle de l’acte
A. L’annulation du jugement pour défaut de réponse aux prétentions du requérant
Le magistrat d’appel constate que le premier juge n’a pas statué sur le moyen relatif à l’insuffisance de motivation de la décision contestée. Cette omission constitue une irrégularité substantielle puisque le tribunal administratif a « omis de répondre au moyen, qui n’a pas été visé dans le jugement attaqué ». Une telle carence dans l’exercice de l’office juridictionnel entraîne l’annulation de la décision rendue par les premiers juges nantais. La Cour procède alors à l’évocation de l’affaire pour examiner directement les conclusions présentées initialement par l’intéressé contre l’acte administratif. Cette démarche garantit une bonne administration de la justice tout en purgeant le vice de procédure qui affectait l’instance initiale.
B. La reconnaissance d’une motivation administrative conforme aux exigences légales
L’examen du bien-fondé de la requête commence par l’analyse de la motivation de l’acte administratif imposant un délai de deux ans. La juridiction estime que l’acte mentionne les considérations juridiques et factuelles qui constituent son fondement légal nécessaire. L’administration a expressément mentionné l’infraction commise, à savoir la conduite d’un véhicule malgré l’injonction de restitution du permis de conduire. La décision contestée « comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement » conformément aux textes applicables. La validité externe de l’acte est ainsi confirmée car l’intéressé a pu comprendre les raisons exactes justifiant le report de sa demande. L’absence de vice de forme conduit désormais à s’interroger sur la légalité interne de la décision au regard des faits reprochés au postulant.
II. L’exercice discrétionnaire du pouvoir de naturalisation sous le contrôle du juge
A. La primauté de la moralité du postulant dans l’examen d’opportunité ministériel
La juridiction administrative rappelle l’étendue considérable du pouvoir discrétionnaire dont dispose l’autorité ministérielle en matière d’acquisition de la nationalité française. Il appartient à l’administration de « porter une appréciation sur l’intérêt d’accorder la naturalisation à l’étranger qui la demande ». Ce pouvoir d’examen permet de prendre en compte tout élément défavorable lié au comportement passé du candidat. L’autorité publique évalue l’opportunité politique de l’intégration du demandeur sans se limiter à la simple vérification des conditions légales d’insertion. Le respect des lois constitue ainsi un critère prépondérant dans l’exercice de cette compétence au service de la collectivité nationale.
B. Le rejet de l’erreur manifeste d’appréciation face à un comportement délictueux récent
La Cour écarte finalement le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation malgré l’intégration professionnelle et familiale exemplaire mise en avant. Les juges considèrent que la conduite sans permis après le retrait total des points constitue un manquement dont la gravité fonde légalement l’ajournement. La juridiction insiste sur la « gravité de ce comportement récent à la date de la décision contestée » pour valider la position administrative. L’insertion certaine de l’intéressé sur le territoire national ne saurait suffire à neutraliser l’impact négatif de l’infraction routière commise. Le juge limite son contrôle à l’erreur flagrante afin de préserver la liberté de l’administration dans le choix des futurs citoyens.