Cour d’appel administrative de Nantes, le 12 septembre 2025, n°24NT02848

La cour administrative d’appel de Nantes a rendu le 12 septembre 2025 un arrêt précisant les conditions de délivrance du titre de séjour pour raison médicale. Un ressortissant étranger, entré sur le territoire national en 2019, a sollicité le renouvellement de son droit au séjour en raison d’une pathologie spinale grave. L’autorité administrative a rejeté cette demande le 31 mai 2024, assortissant son refus d’une obligation de quitter le territoire et d’une interdiction de retour. Saisi par l’intéressé, le tribunal administratif de Caen a annulé cette décision par un jugement en date du 20 septembre 2024. Le représentant de l’État a alors interjeté appel devant la juridiction nantaise pour obtenir l’annulation du jugement de première instance. Le litige porte sur la disponibilité et l’accessibilité effective des soins spécialisés requis par l’état de santé du demandeur dans son pays d’origine. La juridiction d’appel doit déterminer si l’absence de structures de soins adaptées ou leur coût prohibitif caractérise une méconnaissance des dispositions protectrices du code de l’entrée et du séjour. La cour confirme l’annulation du refus de séjour en soulignant l’incapacité pour le requérant de bénéficier d’un traitement approprié dans son pays de naissance. L’étude de cette solution conduit à envisager la preuve de l’indisponibilité des soins médicaux puis le contrôle juridictionnel de l’accessibilité effective du traitement.

I. L’établissement de l’indisponibilité des soins médicaux requis

A. La reconnaissance d’une vulnérabilité médicale exceptionnelle

L’intéressé souffre d’une paraplégie résultant d’une pathologie complexe de la moelle épinière, traitée initialement de manière non optimale dans son pays d’origine. Cette pathologie nécessite des interventions hautement spécialisées ainsi que des injections régulières de toxine botulique afin de prévenir des complications urologiques sévères. Le collège des médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration a d’ailleurs reconnu que l’état de santé nécessite une prise en charge indispensable. Selon les experts médicaux, « l’interruption des injections de toxine botulique dans la vessie exposerait le patient à des complications telles que pyélonéphrites, insuffisance rénale pouvant engager le pronostic vital ». La gravité de la pathologie impose ainsi une analyse rigoureuse de l’offre de soins disponible dans l’État de destination de la mesure d’éloignement.

B. La contradiction relative à l’existence du traitement spécialisé

L’administration soutient, sur le fondement des observations de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, que les suivis spécialisés sont disponibles en Géorgie. Le requérant produit cependant un document officiel émanant des autorités sanitaires géorgiennes indiquant que les injections nécessaires ne sont pas pratiquées sur place. La cour administrative d’appel de Nantes relève cette contradiction majeure entre les affirmations de l’administration française et les informations fournies par l’État d’origine. Les éléments de fait apportés par l’étranger suffisent ici à renverser la présomption de disponibilité attachée à l’avis initial rendu par le collège médical. L’absence de pratique clinique d’un traitement spécifique constitue un obstacle insurmontable à la continuité des soins pourtant indispensables à la survie du patient.

II. Le contrôle juridictionnel de l’accessibilité effective du traitement

A. L’insuffisance de l’offre de soins théorique au regard du coût

L’accès aux soins ne se limite pas à l’existence théorique de structures médicales mais suppose une accessibilité matérielle et financière pour le patient concerné. Les rapports internationaux produits lors de l’instance soulignent que la rééducation pour les adultes reste sous-développée et demeure intégralement à la charge des patients. La cour note que les coûts de neuro-réhabilitation sont inabordables pour la plupart des personnes handicapées en raison de l’absence de couverture par l’assurance-maladie. En outre, les programmes étatiques existants excluent les patients dont les affections sont anciennes, ce qui correspond précisément à la situation clinique du requérant. L’impossibilité financière de financer les soins nécessaires équivaut ainsi à une absence pure et simple de traitement approprié dans le pays de renvoi.

B. La sanction de la méconnaissance du droit au séjour

Le juge administratif tire les conséquences de cette inaccessibilité en confirmant l’illégalité de l’arrêté préfectoral au regard de l’article L. 425-9 du code de l’entrée et du séjour. L’autorité administrative n’est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif de Caen a commis une erreur d’appréciation en annulant le refus de séjour. La cour rejette donc l’appel formé par l’État et maintient l’injonction de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention étranger malade. Cette décision réaffirme la primauté de la protection de la santé sur les impératifs de régulation des flux migratoires lorsque le pronostic vital est engagé. L’arrêt souligne enfin l’importance de produire des éléments de preuve actualisés et circonstanciés pour contester utilement les avis médicaux fournis par l’administration.

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Hassan KOHEN
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