Cour d’appel administrative de Nantes, le 12 septembre 2025, n°24NT03148

La cour administrative d’appel de Nantes, par un arrêt du 12 septembre 2025, se prononce sur la légalité d’un refus de titre de séjour. Une ressortissante étrangère, entrée sur le territoire national en 2011, conteste l’arrêté préfectoral l’obligeant à quitter le territoire français sans délai. Elle invoque l’intensité de ses attaches en France, la scolarisation de ses deux enfants et son activité professionnelle stable depuis plusieurs années. L’administration lui oppose cependant une présence irrégulière prolongée ainsi qu’une insertion sociale jugée insuffisante au regard de sa maîtrise de la langue française.

Saisi en première instance, le tribunal administratif de Caen a partiellement annulé l’acte en supprimant l’interdiction de retour et le délai de départ. L’intéressée relève appel de ce jugement en tant qu’il maintient le refus de séjour et l’obligation de quitter le territoire français. Elle soutient que les premiers juges ont omis de statuer sur certains moyens et conteste l’appréciation portée sur sa situation familiale. La juridiction d’appel doit déterminer si l’atteinte portée à la vie privée et familiale est disproportionnée ou si des motifs exceptionnels justifiaient une régularisation. Le juge administratif confirme la décision de première instance en analysant d’abord la réalité de l’intégration familiale avant d’écarter les prétentions fondées sur la régularisation exceptionnelle.

I. La reconnaissance d’une insertion privée et familiale insuffisante au regard des exigences légales

A. L’absence d’atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale

La requérante invoquait une présence sur le sol national depuis treize années pour contester la légalité de la décision portant refus de séjour. Le juge relève pourtant qu’elle « ne justifie que de trois ans de séjour en situation régulière sur le territoire français » malgré cette durée. L’autorité administrative souligne également que l’intéressée s’est soustraite à plusieurs mesures d’éloignement antérieures, ce qui fragilise la légitimité de sa demande. La cour valide ce raisonnement en notant que les liens personnels ne présentent pas une intensité suffisante pour caractériser une méconnaissance de la convention européenne. Sa maîtrise de la langue française est jugée insuffisante, la commission du titre de séjour ayant relevé une « pratique du français trop approximative ».

B. La primauté de l’unité familiale possible dans le pays d’origine

L’intérêt supérieur des enfants constitue une considération primordiale dans toute décision administrative, conformément aux stipulations de la convention internationale relative aux droits de l’enfant. Les magistrats constatent ici que les deux enfants mineurs, bien que nés et scolarisés en France, peuvent sans difficulté poursuivre leur éducation en Mongolie. La requérante est célibataire et ne démontre pas que les pères des enfants participent effectivement à leur entretien ou à leur éducation quotidienne. Le juge administratif estime ainsi que l’unité de la cellule familiale peut être reconstituée hors de France sans porter préjudice au développement des mineurs. Cette solution confirme la jurisprudence classique selon laquelle la scolarisation ne fait pas obstacle à un éloignement si les parents peuvent accompagner leurs enfants. L’examen de la situation familiale conduit le juge à valider le refus de séjour, ce qui l’amène ensuite à préciser les conditions de régularisation.

II. L’encadrement strict du pouvoir de régularisation exceptionnelle de l’autorité administrative

A. L’invocabilité limitée des lignes directrices ministérielles en matière de mesures de faveur

La requérante tentait de se prévaloir d’une circulaire ministérielle pour obtenir un titre de séjour au titre de son activité professionnelle de peintre. Le juge rappelle toutefois qu’un étranger ne détient aucun droit à l’exercice par le représentant de l’administration de son pouvoir discrétionnaire de régularisation. L’intéressé ne peut donc pas « utilement se prévaloir… des orientations générales contenues dans la circulaire » du 28 novembre 2012 pour contester un refus. Cette position renforce la distinction fondamentale entre les critères légaux de plein droit et les simples mesures de faveur laissées à l’appréciation préfectorale. La décision administrative ne saurait être entachée d’illégalité par le simple non-respect d’orientations qui ne revêtent pas un caractère réglementaire impératif pour l’administration.

B. L’appréciation souveraine des motifs exceptionnels d’admission au séjour

L’admission au séjour pour motifs exceptionnels suppose que l’étranger démontre une insertion sociale ou professionnelle d’une intensité particulière dépassant le cadre de la vie commune. Le juge souligne qu’ « un demandeur qui justifierait d’une promesse d’embauche ou d’un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe » comme remplissant cette condition. L’activité de peintre-décorateur exercée par la requérante est jugée trop récente et dépourvue des qualifications spécifiques nécessaires pour justifier une admission exceptionnelle. L’administration relève en outre que l’autorisation de travail initiale a été obtenue de manière irrégulière, ce qui entache la valeur de l’expérience professionnelle acquise. La cour conclut que l’ensemble des éléments produits ne permet pas de caractériser des considérations humanitaires suffisantes pour annuler l’arrêté contesté.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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