Cour d’appel administrative de Nantes, le 13 juin 2025, n°24NT03035

La Cour administrative d’appel de Nantes, par une décision rendue le 13 juin 2025, statue sur la légalité d’un refus de délivrance de titre de séjour. La requérante, ressortissante étrangère, réside en France depuis 2012 et assume seule l’éducation de ses trois enfants mineurs, dont deux sont français. L’autorité administrative a opposé un refus de séjour assorti d’une obligation de quitter le territoire en septembre 2023, décision confirmée en première instance. Le Tribunal administratif de Caen a rejeté la demande d’annulation par un jugement du 9 février 2024 dont la requérante interjette alors appel. Le litige porte sur la compatibilité de cet acte avec le droit au respect de la vie privée ainsi qu’avec l’intérêt des enfants. La juridiction d’appel doit déterminer si l’éloignement forcé constitue une ingérence disproportionnée au regard de l’ancienneté du séjour et de l’intégration. La Cour annule le jugement attaqué en relevant que l’administration a porté une atteinte excessive aux liens personnels et familiaux de l’intéressée. L’étude de cette décision permet d’analyser la reconnaissance d’une atteinte disproportionnée à la vie privée avant d’envisager la primauté de l’intérêt supérieur de l’enfant.

I. La reconnaissance d’une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée et familiale

A. L’ancrage durable et la stabilité de la cellule familiale en France L’arrêt souligne l’importance de la durée du séjour sur le territoire national pour apprécier la légalité de la mesure d’éloignement prise par l’administration. La requérante justifie d’une présence ininterrompue de plus de dix ans en France, pays où elle a construit l’essentiel de son existence sociale. Ses attaches sont d’autant plus fortes qu’elle réside avec ses trois enfants mineurs nés sur le sol français et scolarisés de manière régulière. La Cour relève que la requérante « justifie (…) résider seule avec ses trois enfants (…) et assumer leur entretien et leur éducation » sans contestation sérieuse. Cette situation familiale stable constitue le socle du droit au respect de la vie privée garanti par les stipulations de la convention européenne. L’examen de la situation personnelle de l’intéressée doit également intégrer la qualité de son insertion par l’activité professionnelle sur le territoire.

B. L’intégration professionnelle comme critère complémentaire d’appréciation La juridiction administrative ne limite pas son examen à la seule sphère familiale mais prend en compte l’insertion économique globale de la ressortissante étrangère. Les juges notent que l’intéressée a exercé une activité professionnelle régulière sous forme de contrats à durée indéterminée à plein temps depuis 2017. Cette insertion par le travail renforce la démonstration d’une intégration réussie et pérenne dans la société d’accueil au cours des dernières années. La Cour juge que l’autorité administrative a « porté une atteinte disproportionnée au droit (…) au respect de sa vie privée et familiale » par ses décisions. L’arrêt confirme ainsi que l’utilité sociale et la stabilité professionnelle pèsent lourdement dans la balance des intérêts lors du contrôle de légalité. Cette protection de la vie privée s’articule nécessairement avec la prise en compte impérative de l’avenir des enfants mineurs concernés.

II. La primauté de l’intérêt supérieur de l’enfant dans le contrôle de légalité

A. L’obstacle à la reconstitution de la cellule familiale à l’étranger Le juge d’appel exerce un contrôle approfondi sur les modalités concrètes de poursuite de la vie familiale en cas d’exécution de la mesure d’éloignement. La décision relève que deux des enfants possèdent la nationalité française, ce qui rend leur départ vers un pays tiers particulièrement problématique. L’arrêt précise qu’il « n’est pas établi que la cellule familiale pourrait être facilement reconstituée » à l’étranger au regard de l’âge des enfants. Les magistrats insistent sur la nécessité de préserver la scolarité et les liens personnels que les mineurs tiennent avec leur père respectif en France. Cette appréciation concrète des faits conduit la Cour à censurer la décision pour méconnaissance de l’intérêt supérieur de l’enfant tel que protégé internationalement. La reconnaissance de cette illégalité de fond impose alors au juge de définir les mesures de réparation appropriées pour la requérante.

B. L’injonction de délivrance du titre de séjour comme conséquence nécessaire L’annulation du refus de séjour pour un motif de fond entraîne des obligations spécifiques pour l’administration dans l’exécution du présent arrêt rendu en appel. La Cour administrative d’appel de Nantes prescrit à l’autorité administrative de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale ». Cette mesure d’injonction découle directement de la constatation du droit au séjour de la requérante à la date à laquelle la juridiction statue. Le juge refuse toutefois d’assortir sa décision d’une astreinte financière, estimant que les circonstances de l’espèce ne le justifient pas immédiatement. Cette solution garantit le rétablissement effectif de la légalité tout en laissant à l’autorité le soin de procéder aux formalités nécessaires de délivrance.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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