La Cour administrative d’appel de Nantes, par une décision du 14 février 2025, précise les conditions de preuve du lien matrimonial pour la réunification familiale. Un ressortissant étranger bénéficiant de la protection subsidiaire a sollicité la délivrance d’un visa de long séjour pour son épouse résidant encore dans son pays d’origine. L’autorité consulaire a rejeté cette demande en raison d’une discordance concernant la date de naissance de la conjointe mentionnée lors de la procédure d’asile initiale. Le tribunal administratif de Nantes a annulé ce refus et enjoint au ministre de l’intérieur de délivrer le titre de voyage sollicité par l’intéressée. Le ministre a interjeté appel en invoquant l’absence de lien établi et a sollicité une substitution de motifs tirée d’une menace pour l’ordre public. Le juge doit déterminer si une erreur matérielle sur la naissance et une simple mention au fichier policier suffisent à fonder un refus de visa. La juridiction d’appel rejette l’argumentation ministérielle en confirmant que les documents produits conservent leur force probante malgré les quelques imprécisions factuelles relevées initialement.
I. L’exigence de preuve du lien familial face aux erreurs matérielles
La décision rappelle que la vérification des actes d’état civil étrangers s’effectue selon les critères stricts posés par l’article 47 du code civil français.
A. La valeur probante préservée des actes d’état civil étrangers
Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile impose aux membres de la famille de produire des actes d’état civil authentiques. Selon la cour, « la force probante d’un acte d’état civil établi à l’étranger peut être combattue par tout moyen » établissant une irrégularité ou une falsification. L’administration contestait ici la réalité du mariage en s’appuyant sur une divergence entre les déclarations du réfugié et les documents officiels versés au dossier. Le juge administratif forme sa conviction au regard de l’ensemble des éléments produits par les parties sans s’arrêter à la seule contestation de l’autorité publique.
B. Le caractère inopérant des méprises factuelles rectifiées
Le requérant avait initialement indiqué une date de naissance erronée pour son épouse avant de signaler spontanément cette méprise aux services compétents de l’asile. La cour considère que cette erreur ne saurait être « de nature à retirer aux actes produits par les intéressés toute valeur probante » concernant leur identité. L’absence de contradiction majeure entre les documents d’identité et l’acte de mariage dressé par l’Office français de protection des réfugiés justifie pleinement cette solution. La validité du lien conjugal ainsi rétablie permet au juge d’écarter les nouveaux motifs de rejet avancés tardivement par le ministre lors de l’instance d’appel.
II. L’échec des tentatives de substitution de motifs par l’administration
Le ministre de l’intérieur a tenté de justifier le refus par des arguments inédits liés à la composition de la famille et à la sécurité publique.
A. La primauté de la réalité biologique sur les déclarations administratives antérieures
L’administration prétendait que la demande était partielle car un enfant du couple n’était pas inclus dans la procédure de réunification familiale sollicitée par le père. Les pièces du dossier établissaient pourtant le décès certain de cet enfant plusieurs années avant le dépôt de la demande de visa litigieuse par son épouse. Le juge estime que la mention de cet enfant dans une déclaration passée ne remet nullement en cause le caractère probant de l’acte de décès produit. La réalité du décès prime sur les omissions déclaratives dès lors que les preuves matérielles fournies au juge confirment la situation familiale actuelle des demandeurs.
B. L’exigence d’une menace caractérisée pour l’ordre public
Le ministre invoquait enfin une mention au fichier de traitement des antécédents judiciaires concernant une procédure pour corruption de mineur ouverte contre le résident étranger. La cour relève cependant que l’intéressé n’a fait l’objet d’aucune condamnation pénale et qu’il soutient être la victime d’une regrettable usurpation d’identité. Elle juge que « le ministre de l’intérieur n’apporte aucun élément de nature à étayer la menace alléguée » que le conjoint représenterait réellement pour l’ordre public. L’absence de preuves concrètes et l’inexistence de mentions au casier judiciaire interdisent de fonder légalement un refus de visa sur ce seul motif sécuritaire imprécis.