Par un arrêt rendu le 14 février 2025, la cour administrative d’appel de Nantes se prononce sur la légalité d’un refus de visa de long séjour. Un ressortissant étranger a sollicité ce titre en qualité de conjoint de Française après avoir contracté un mariage sur le territoire national en novembre 2017. Le ministre de l’Intérieur a initialement fondé son refus sur l’existence d’une menace pour l’ordre public liée à des comportements délictuels allégués. Saisi en première instance, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision le 5 juin 2023 en raison d’une insuffisance de preuves matérielles. L’administration a alors interjeté appel devant la cour administrative d’appel de Nantes en invoquant une substitution de motifs tirée du caractère frauduleux de l’union. Le juge d’appel doit déterminer si des mentions administratives contestées suffisent à caractériser une menace et si une fraude matrimoniale peut justifier légalement ce refus. La juridiction rejette le premier motif de l’administration avant de valider la substitution demandée pour confirmer la légalité de la décision de refus de visa.
I. L’exigence probatoire accrue en matière de menace à l’ordre public
A. L’insuffisance des simples mentions administratives contestées
Le droit des étrangers impose à l’administration de démontrer la réalité des faits justifiant qu’un demandeur représente une menace grave pour l’ordre public national. Dans cette espèce, le ministre invoquait des signalements pour port d’arme, recel de vol, violences conjugales et cession de stupéfiants figurant dans des arrêtés préfectoraux. La cour administrative d’appel de Nantes du 14 février 2025 relève que « les mentions figurant sur ces décisions administratives ne permettent pas, à elles seules, d’établir la matérialité des faits ». Cette position protège le requérant contre des allégations policières ou préfectorales qui ne sont étayées par aucun élément matériel probant au dossier. L’administration n’a pas produit le bulletin du casier judiciaire ni la composition pénale mentionnée, rendant ainsi le motif initial de la décision juridiquement fragile. Le juge administratif exerce ici un contrôle rigoureux sur la qualification juridique des faits pour éviter tout arbitraire dans l’appréciation de la menace.
B. Le cadre procédural de la substitution de motifs en appel
L’administration dispose de la faculté de solliciter une substitution de motifs afin de maintenir la légalité d’un acte administratif contesté devant le juge. La cour rappelle que le juge peut rechercher si un nouveau motif « est de nature à fonder légalement la décision » initiale de l’administration. Cette procédure suppose que l’auteur du recours ait pu présenter ses observations et que la substitution ne le prive d’aucune garantie procédurale essentielle. Le ministre de l’Intérieur a fait valoir que l’union avait été conclue dans le seul but de faciliter l’installation durable de l’intéressé en France. Ce glissement vers le terrain de la fraude permet à l’autorité publique de pallier l’absence de preuves concernant les troubles à l’ordre public. La juridiction accepte d’examiner ce second grief dès lors qu’il repose sur la situation existant à la date de la décision de refus contestée.
II. La répression de la fraude matrimoniale comme fondement du refus de visa
A. Le faisceau d’indices caractérisant l’absence d’intention matrimoniale
L’article L. 312-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile autorise le refus de visa en cas de fraude avérée. La cour administrative d’appel de Nantes du 14 février 2025 souligne que « le mariage a été conclu à des fins étrangères à l’institution matrimoniale » pour faciliter une installation. Plusieurs indices concordants soutiennent cette analyse, notamment le maintien irrégulier de l’intéressé sur le territoire français depuis plusieurs années au moment de la célébration. Les preuves de vie commune produites se résument à quelques documents administratifs et photographies non datées qui ne permettent pas d’établir une communauté de vie réelle. L’absence d’échanges tangibles entre les époux depuis le retour de l’époux dans son pays d’origine renforce la thèse d’un mariage de complaisance. Le juge administratif estime que ces éléments suffisent à établir l’existence d’une intention exclusivement migratoire de la part du ressortissant étranger concerné.
B. La proportionnalité de la mesure au regard de la vie privée et familiale
La validation du motif de fraude entraîne nécessairement le rejet des moyens fondés sur la protection de la vie privée et familiale des requérants. L’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme ne peut être utilement invoqué lorsque le lien matrimonial est entaché de fraude. La cour administrative d’appel de Nantes du 14 février 2025 considère que le refus de visa ne porte pas une atteinte disproportionnée aux droits de l’intéressé. Puisque la réalité de la vie commune n’est pas démontrée, l’administration est fondée à opposer une fin de non-recevoir à la demande de long séjour. L’annulation du jugement de première instance découle logiquement de cette substitution de motifs qui rétablit la base légale de la décision administrative initiale. Cette solution illustre la sévérité du juge d’appel face aux détournements de procédure visant à obtenir un droit au séjour par la voie du mariage.