La cour administrative d’appel de Nantes, par un arrêt rendu le 14 février 2025, examine la légalité d’un refus de visa de long séjour opposé à un mineur étranger. Le litige trouve son origine dans le décès de la mère d’une enfant marocaine, dont l’autorité parentale fut ensuite déléguée à sa tante et à son oncle résidant en France. Cette délégation résulte d’un acte de recueil légal, communément appelé kafala, homologué par un tribunal de première instance au Maroc à la fin de l’année 2022. Les autorités consulaires françaises ont toutefois rejeté la demande de visa d’entrée en qualité de visiteur présentée pour cette jeune ressortissante en janvier 2023. Saisie par les proches de l’enfant, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France a implicitement confirmé cette décision de rejet. Le tribunal administratif de Nantes a annulé cet acte par un jugement du 19 mars 2024, enjoignant au ministre de l’intérieur de délivrer le titre sollicité. Le ministère conteste cette annulation en soutenant que les conditions d’accueil et les ressources des demandeurs ne sont pas conformes à l’intérêt supérieur de leur nièce. Le problème de droit posé au juge d’appel consiste à déterminer si l’autorité administrative commet une erreur d’appréciation en refusant le visa malgré l’existence d’une kafala régulière.
I. L’exigence d’une appréciation concrète de l’intérêt supérieur de l’enfant
A. La portée relative de l’acte de recueil légal étranger
La juridiction administrative rappelle que « l’intérêt d’un enfant est en principe de vivre auprès de la personne qui (…) est titulaire à son égard de l’autorité parentale ». Ce principe s’applique lorsqu’une décision de justice produit des effets juridiques sur le territoire français, mais les actes de kafala adoulaire présentent une nature juridique spécifique. Ces actes ne concernent pas systématiquement des orphelins ou des enfants dont les parents biologiques sont totalement incapables d’exercer leurs prérogatives parentales. La Cour souligne que leurs effets sur le transfert de l’autorité parentale demeurent variables puisque le juge se borne souvent à une simple homologation de l’acte notarié. En conséquence, « l’intérêt supérieur de l’enfant à vivre auprès de la personne à qui il a été confié par une telle kafala ne peut être présumé ». La solution doit impérativement être établie au cas par cas, sans que l’existence de l’acte étranger ne suffise à lier l’administration française.
B. L’exercice d’un contrôle juridictionnel sur l’erreur d’appréciation
Le juge administratif refuse d’accorder une présomption automatique au profit du lien créé par la kafala, imposant ainsi une démonstration factuelle de l’intérêt de l’enfant. Il appartient alors au magistrat « d’apprécier, au vu de l’ensemble des pièces du dossier, si le refus opposé à une demande de visa est entaché d’une erreur d’appréciation ». Ce contrôle implique une analyse globale des circonstances de l’espèce, incluant la situation familiale dans le pays d’origine et les capacités réelles d’accueil en France. L’administration dispose d’un pouvoir d’évaluation mais celui-ci demeure encadré par les stipulations de la convention internationale relative aux droits de l’enfant du 26 janvier 1990. L’intérêt supérieur de l’enfant constitue une considération primordiale devant guider toute décision des institutions publiques ou des autorités administratives concernant un mineur. L’arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes illustre parfaitement cette méthodologie en confrontant les motifs du refus ministériel aux réalités concrètes prouvées par les requérants.
II. La consécration d’une protection effective face aux conditions d’accueil
A. La rectification matérielle des capacités d’hébergement et de subsistance
Le ministre de l’intérieur soutenait que les conditions de logement et les ressources des accueillants étaient insuffisantes pour garantir une prise en charge conforme à l’intérêt du mineur. La Cour invalide cette argumentation en s’appuyant sur les pièces produites, lesquelles démontrent l’occupation d’un appartement de trois pièces offrant une surface de soixante et un mètres carrés. Les ressources financières du foyer s’élèvent à un montant mensuel de trois mille six cents euros, provenant principalement de diverses prestations liées au handicap des occupants. Le juge précise que l’un des accueillants a été reconnu comme aidant familial, percevant à ce titre une prestation de compensation du handicap tout à fait légitime. Les faits démontrent également que les demandeurs contribuaient déjà financièrement à l’entretien de leur nièce au Maroc, malgré les doutes exprimés par l’administration sur ce point précis. L’adéquation entre les moyens des accueillants et les besoins de l’enfant se trouve ainsi matériellement établie par l’examen minutieux des justificatifs financiers et locatifs.
B. La prévalence du lien familial effectif sur la résidence d’origine
La situation familiale de l’enfant au Maroc justifie son transfert vers la France, dès lors que sa mère est décédée et que son père a refait sa vie. Les attestations des membres de la famille élargie confirment que l’oncle et la tante sont les seuls à assumer réellement la charge matérielle et éducative de l’intéressée. La commission de recours a donc entaché sa décision « d’une erreur d’appréciation en estimant que l’intérêt de la jeune (…) était de demeurer dans son pays d’origine ». Cette conclusion administrative ignorait la réalité de l’isolement affectif et matériel de la mineure sur le sol marocain après la disparition de sa mère. La Cour confirme que le maintien de l’enfant auprès de ses tuteurs légaux en France répond mieux à l’exigence de protection posée par les engagements internationaux. Le ministre n’est par conséquent pas fondé à demander l’annulation du jugement de première instance ayant sanctionné l’illégalité de ce refus de visa de long séjour.