Cour d’appel administrative de Nantes, le 14 janvier 2025, n°23NT01635

La cour administrative d’appel de Nantes, par un arrêt rendu le 14 janvier 2025, précise le régime juridique du visa de retour sollicité par un étranger. Une ressortissante étrangère est entrée irrégulièrement en France avant d’obtenir un récépissé de première demande de carte de séjour puis de regagner son pays d’origine. Elle a ensuite formé une demande de visa afin de revenir sur le territoire français, laquelle a fait l’objet d’un refus par l’autorité consulaire. La commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France a rejeté son recours administratif préalable obligatoire en mai 2022. Le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d’annulation par un jugement du 27 avril 2023, dont l’intéressée relève désormais appel devant la juridiction supérieure. La question posée aux juges porte sur le point de savoir si un récépissé de première demande de titre de séjour confère un droit au retour. La juridiction rejette la requête en considérant que ce document provisoire ne constitue pas un titre de séjour autorisant le franchissement des frontières sans visa valide. L’étude de cette solution conduit à examiner d’abord la précarité du droit au séjour attaché au titre provisoire, avant d’analyser le contrôle exercé sur la situation personnelle.

I. La négation d’un droit au retour fondé sur un titre provisoire de séjour

La juridiction administrative s’appuie sur une lecture combinée du droit national et des règlements européens pour écarter toute automaticité dans la délivrance du visa sollicité. Elle distingue ainsi la situation des titulaires de titres de séjour définitifs de celle des demandeurs dont l’instruction du dossier est encore en cours.

A. L’interprétation rigoureuse de la notion de titre de séjour au sens européen

Le juge administratif rappelle que le règlement européen du 9 mars 2016 « exclut expressément de la notion de titre de séjour les titres temporaires » délivrés initialement. La détention d’un document provisoire autorise seulement la présence de l’étranger sur le territoire national sans préjuger de la décision définitive relative à son séjour. Les dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers imposent la possession d’un visa valide pour tout franchissement des frontières par un ressortissant tiers. L’intéressée ne disposait que d’un récépissé de première demande, lequel ne figure pas parmi les titres permettant de circuler librement dans l’espace Schengen. La cour souligne que l’autorité préfectorale avait d’ailleurs informé la requérante de l’impossibilité de voyager avec ce type de document administratif lors de sa délivrance.

B. L’absence de droit au séjour résultant de l’expiration du titre produit

La solution retenue par la cour administrative d’appel s’explique également par la situation temporelle de la demande de visa formulée par la ressortissante étrangère. L’arrêt précise qu’à la date de la décision contestée, la validité du récépissé était expirée, privant ainsi la requérante de tout droit au séjour résiduel. Dès lors, celle-ci « ne pouvait s’en prévaloir pour se voir attribuer un visa dit de retour de plein droit » selon l’analyse constante des juges. L’expiration du document provisoire renforce le constat de l’absence de base légale pour exiger la délivrance d’un titre d’entrée sur le territoire français. L’administration disposait donc d’une base légale solide pour refuser le visa sans méconnaître les dispositions législatives relatives aux titres de séjour en vigueur. Ce constat juridique initial étant posé, la cour examine ensuite si des circonstances particulières auraient dû conduire l’administration à une solution différente.

II. La confirmation de la légalité du refus au regard de la situation individuelle

Le juge administratif opère un contrôle restreint sur l’appréciation des faits par l’administration afin de vérifier l’absence d’erreur manifeste dans la décision de refus. Il examine la réalité de l’insertion de la requérante dans son pays d’origine ainsi que l’impact de son état de santé sur ses besoins.

A. L’appréciation souveraine de l’absence d’isolement dans le pays d’origine

La cour administrative d’appel relève que la requérante n’est pas isolée en Tunisie, pays où elle a résidé de sa naissance jusqu’à son départ récent. Les pièces du dossier démontrent que l’intéressée bénéficie d’un hébergement stable chez son grand-père, ce qui atteste de la persistance de ses attaches familiales. La brièveté de son séjour en France ne permettait pas de caractériser une rupture de liens suffisamment profonde avec son environnement social et culturel initial. L’administration a donc pu légalement considérer que le retour et le maintien de la jeune femme dans son pays ne portaient pas une atteinte disproportionnée. Le juge confirme que les conditions de vie et de soutien familial dont elle dispose font obstacle à la reconnaissance d’une situation de vulnérabilité extrême.

B. La portée limitée des considérations médicales sur la légalité du refus

L’argumentation relative à la pathologie grave dont souffre la requérante ne suffit pas à entacher la décision de la commission d’une erreur manifeste d’appréciation. Si l’intéressée a effectivement débuté un traitement médical en France, il ne ressort pas des éléments produits qu’une prise en charge soit impossible en Tunisie. Le juge administratif rappelle que l’existence d’une pathologie ne crée pas, par elle-même, un droit automatique à la délivrance d’un visa de court ou long séjour. L’administration conserve le pouvoir d’apprécier si les structures sanitaires du pays d’origine sont en mesure d’assurer le suivi médical nécessaire au patient concerné. En l’espèce, l’absence de preuve d’une impossibilité de soins locaux conduit la cour à rejeter les prétentions de la requérante et à confirmer le jugement.

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Hassan KOHEN
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